... des aveuglements des fédéralistes et des inconséquences des eurosceptiques!
Tribune du think-tank de l'Alternative Crédible pour des Etats Unis d'Europe au service des peuples d'Europe
Pour faire fonctionner un si grand ensemble de nations et de peuples, il faut du fédéralisme. Croire que l'on peut tout gérer par du confédéralisme, avec de simples accords entre nations, qu'ils soient votés à la majorité ou à l'unanimité, est une illusion. L'Europe actuelle est trop confédérale, c'est une des raisons de son impuissance. Et croire que l'on peut se contenter d'une "Europe des projets" à la carte comme certains eurosceptiques le proposent en mettant en avant la réussite d'Airbus est une erreur car un grand nombre des enjeux qui relèvent naturellement de l'Europe ne peuvent trouver de solutions satisfaisantes que si toutes les nations européennes ensemble vont dans le même sens.
Alors, le fédéralisme est une évidence? Pas du tout, c'est un repoussoir pour la majorité des peuples européens et même désormais pour la majorité des citoyens de chaque peuple européen! Même les si europhiles italiens dans le passé n'en veulent plus aujourd'hui! Pourquoi? Parce que les multiples mouvements se réclamant du fédéralisme en Europe de l'Ouest (il n'y en a quasiment pas en Europe de l'Est) sont frappés d'une insupportable et triple cécité.
La première cécité est sur les conséquences des déficits publiques. Les critères de Maastricht ne sont pas une option. En dehors de l'aspect juridique, le respect des critères de Maastricht est une impérieuse nécessité pour avoir une monnaie commune. Les règles économiques les plus élémentaires exigent que pour qu'une monnaie commune soit viable, il faut un minimum de convergences sur le plan fiscal et sur le plan social. Or avec une Allemagne dont le budget est excédentaire et une France dont le budget est en déficit de 2.6% en année de croissance mondiale comme en 2017, alors que ce mauvais résultat est obtenu après des manipulations comptables importantes* et avec un sous investissement public criant dans tous les services publics essentiels, il est impossible de faire la moindre harmonisation fiscale. Quant à l'harmonisation sociale, elle est impossible tant que la France conserve le paritarisme, ... ou à moins que toute l'Europe adopte le paritarisme! Il est comique, ou plutôt dramatique si l'on a conscience que l'Europe est menacée de disparition en 2019, de voir des responsables politiques français partisans de l'Europe fédérale réclamer un cercle restreint des pays les plus volontaires pour avancer plus vite vers le fédéralisme. Ont-ils conscience que faire l'Europe fédérale est immédiatement possible ... si on exclut la France, l'Italie, la Grèce et peut-être le Portugal et l'Espagne? D'ailleurs, l'Allemagne en est si consciente, qu'après avoir espéré en Emmanuel Macron, elle commence à se préparer à cette option en rapatriant en urgence son or stocké aux USA et en Grande Bretagne. De plus en plus de voix en Allemagne envisagent publiquement de sortir de l'Europe pour recréer immédiatement une monnaie commune avec les pays d'Europe du Nord et certains pays d'Europe de l'Est. Cela serait une façon déguisée de virer la France et les pays d'Europe du Sud de l'Europe.
La deuxième cécité est sur la politique migratoire. Les fédéralistes de l'Europe de l'Ouest associent le respect des valeurs européennes au respect du droit d'asile. Le droit européen impose en effet le respect du droit d'asile. Mais l'Europe de l'Est dans son ensemble ne respecte pas cette partie du droit et ne la respectera jamais. La raison est que les peuples d'Europe de l'Est ne veulent pas devenir des sociétés multiculturelles. Les journaux télévisés de Pologne, de Hongrie, de Roumanie, de Bulgarie, ... sont remplis de reportages sur le 93, sur le mode "vous voyez ce que ça donne le multiculturalisme en France". Les faits divers sont associés aux photos des émeutes de 2005 pour dire "jamais de ça chez nous". L'Europe de l'Est, gouvernants, oppositions et peuples confondus, est beaucoup plus proche des valeurs de Trump que de celles d'Obama. Plutôt que de parler de sanctions, les technocrates qui gouvernent l'Europe et les partis europhiles d'Europe de l'Ouest devraient apprendre à composer avec cette réalité qui ne peut changer avant des décennies, si elle change un jour. Sans cette prise de conscience indispensable, inutile d'espérer faire du fédéralisme.
La troisième cécité est que nous assistons partout dans le monde au réveil des empires. Les fédéralistes en sont encore au rêve fou de Fukushima de "la fin de l'histoire". Ils se représentent la modernité, leur modernité, comme l'horizon indépassable de l'humanité, avec ses valeurs progressistes, libérales et démocrates que tous les peuples du monde finiront par adopter. Et bien non, le monde évolue différemment. Cette vision était possible si les USA et l'Europe associées finissaient par imposer leur culture au monde entier grâce à une domination économique et militaire éternelle. Or même les différences culturelles se creusent entre les peuples d'Europe et le peuple américain! Seules les élites américaines et européennes, et dans une moindre mesure asiatiques et d'Amériques du Sud, vivent dans le même système de valeurs. La Chine, la Russie, l'Inde, la Turquie, l'Iran et les USA se comportent comme des empires. Il n'y a plus de recherche de règles mondiales à mettre en place, seuls les rapports de force entre empires décident des règles sur les plans du commerce, des monnaies, des actifs financiers, du respect des frontières, du contôle des matières premières, du contôle de l'espace et d'internet. Et l'Europe des technocrates et des fédéralistes en est encore à croire aux règles mondiales du commerce et des finances, ce qui donne dans tous les domaines une naiveté et une passivité confondante!
Face aux fédéralistes, nous avons les eurosceptiques. Si les premiers sont aveugles, les seconds sont de dangereux casse-cous inconscients pour trois grandes raisons.
Premièrement, ils sont les spécialistes des solutions hasardeuses. Par exemple, ils font une obsession sur Schengen. C'est leur bête noire. Ils dépeignent Schengen comme la libre circulation des terroristes, des migrants, des drogues, ... à l'origine de tous les maux de la terre. Supprimons Schengen et la paix et la prospérité reviendront! Or malheureusement supprimer Schengen n'empêchera ni les terroristes, ni les migrants, ni la drogue de passer les frontières mais provoquerait juste d'insupportables files d'attentes aux frontières dont les travailleurs transfrontaliers et les transporteurs routiers seraient les premières victimes. Ce serait également source d'entraves au commerce entre les pays européens et donc une entrave à l'économie. Un autre exemple est celui du contrôle des frontières. Bon courage pour contrôler la frontière française, avec ses petites villes du Nord de la France où dans la même rue on passe d'un pays à l'autre, où la friontière passe à travers les champs, où la frontière passe à travers les Alpes et les Pyrénées. Faut-il embaucher 500 000 douaniers? En as-t-on les moyens? Les anglais apprécient le niveau de préparation du Brexit où on leur a vendu une Europe à genou devant une Grande Bretagne triomphante!
Deuxièmement, ils associent austérité et Europe de Bruxelles. Tenir ses finances publiques serait selon eux se soumettre "aux méchants de la Commission de Bruxelles" et les laisser filer serait relancer l'économie par la dépense publique! Sauf qu'être partisan ou adversaire de la Commission de Bruxelles ne change rien aux règles de l'économie. Les dettes doivent être remboursées ou sont laissées aux générations futures. Et quand le niveau d'endettement est trop important, les taux d'intérêts finissent par augmenter et rendre encore plus insupportable le remboursement de la dette. Et quand les marchés financiers finissent par couper le robinet, l'austérité, la vraie, fait des ravages dans les services publiques et dans les dépenses sociales. Voilà la triste réalité que le malheureux peuple grec a expérimenté, même si certains facteurs aggravants comme le rôle de la Banque américaine Goldmann Sachs et celui du ministre des finances allemand de l'époque peuvent légitimement écoeurer beaucoup de citoyens.
Troisièmemement, ils nient ou sous estiment gravement tout ce que l'Europe a apporté et apporte toujours au quotidien. Combien de jeunes européens ont bénéficié d'Erasmus? Combien de directives protectrices pour les consommateurs et les citoyens ont été adoptées par l'Europe avec le concours de parlementaires compétents? Qui a envie de demander 10 visas pour faire le tour de l'Europe? Vouloir jeter le bébé avec l'eau du bain est suicidaire. Ils ne se rendent pas compte des conséquences d'une dissolution de l'Union européenne. Certains rêvent de la détruire pour mieux la reconstruire. Mais croient-ils sérieusement que les empires autour de l'Europe vont les laisser faire tranquillement?
L'Europe, notre Europe, la plus belle des utopies du monde, est gravement en danger. Depuis trop longtemps le débat sur son avenir oppose ces deux camps stupides. Or 2019 s'avance à grands pas. 2019 est l'année des élections européennes, des dernières élections européennes si des solutions intelligentes et fortes ne sortent pas du débat public. Car l'Europe a pris trop de retrards stratégiques pour pouvoir perdre encore 5 années de plus. Que ce soit dans les Gafa, le cloud, la guerre de l'espace, l'extraterritorialité du droit américain, l'approvisionnement en métaux rares, la protection des brevets, l'avenir de l'industrie de l'armement, ... l'Europe doit impérativement construire sa souveraineté avant qu'il ne soit trop tard. Et sur l'avenir de la zone euro et sur les vagues migratoires, si des solutions urgentes ne sont pas trouvées, dans 5 ans tout aura explosé.
2019 sera aussi l'année d'une probable crise financière. Le niveau de dettes dans le monde a atteint un niveau insupportable. Le quantitative easing pratiqué par les banques centrales, s'il a été utile pour soutenir la croissance, est source de bulles de toutes sortes qui finiront par éclater. Un scénario noir se dessine pour l'Europe. Quand la crise financière éclatera, la France et l'Italie ne pourront faire face. Soit l'Italie lâchera prise, sa situation aggravée par une crise politique, et la France sera entraînée dans la chute, ou la France entraînera l'Italie dans la chute, peu importe le sens, mais dans tous les cas l'Allemagne et les autres pays d'Europe n'auront pas les moyens de sauver la situation. Ils seront contraints de quitter l'Europe pour refonder une zone économique avec une monnaie stable, s'ils ne peuvent en exclure la France et l'Italie.
En tous cas, il est urgent de proposer autre chose pour l'Europe que les platitudes aveugles des eurobéats et les élucubrations inconséquentes des eurosceptiques. Il est urgent de refonder l'Europe sur des réalités et de se libérer intellectuellement à la fois de la soumission à la bien-pensance progressiste néolibérale des technocrates et à la fois de la tentation des ressentiments stériles des populistes. Voilà pourquoi, le think-tank de l'Alternative Crédible propose de fonder sur 7 piliers structurants "les Etats Unis d'Europe au service des peuples", à l'occasion des élections européennes de 2019.
1er pilier: l'équité du commerce interne et externe. l'équité du commerce interne demande de lutter sérieusement contre le dumping social et fiscal. Cela demande notamment de renégocier la directive travailleurs détachés dans une négociation avec les pays d'Europe de l'Est leur autorisant en échange de ne pas appliquer le droit d'asile. L'équité du commerce externe demande de renégocier les traités commerciaux internationaux pour y introduire des clauses sociales et environnementales et pour supprimer les tribunaux d'arbitrages attentatoires aux intérêts des ETI et des PME et à la démocratie.
2ème pilier: la défense des libertés publiques. Elles sont l'essence même de notre civilisaton européenne. Elles sont menacées comme jamais dans l'histoire par les nouvelles technologie, Big Brother, les oligopoles, les menaces multiples sur la liberté de la presse, ... L'Europe doit jouer ce rôle sans complexe au service de l'intérêt général et de la démocratie.
3ème pilier: le droit de chaque peuple à gérer le sociétal et à transmettre sa culture aux jeunes générations. L'Europe doit renoncer à certaines de ses prérogatives et se concentrer sur l'essentiel. L'Europe doit cesser de se comporter comme le cheval de Troie de la mondialisation qui impose la standardisation des modes de vie et de pensée. La diversité de l'Europe est constitutive de sa richesse. Un inventaire des directives européennes et des lois adoptées doit être fait et une grande partie de ses directives et lois attentatoires à la liberté de chaque pays de gérer le sociétal doivent être abrogées. Le travail de transmission des cultures nationales et des cultures régionales doit être encouragé par l'Union européenne.
4ème pilier: une monnaie unique impose une convergence minimale des politiques sociales et fiscales. L'urgence est de relancer cette convergence au moyen d'un serpent social et d'un serpent fiscal pilotés au niveau fédéral. Pour cela, la France va devoir reconsidérer complètement sa façon de réduire les dépenses publiques. Les questions de la simplification du millefeuille institutionnel (cf pétition pour une refonte totale du Grand Paris) et de la fin du système de collusion des élites sortis des grandes écoles et du clientélisme à tous les niveaux, notamment des clientélismes et communautarismes sociétaux, doivent être mises enfin sur la table. La question du paritarisme également. Impossible faire une convergence sociale en conservant le paritarisme.
5ème pilier: la défense des intérêts stratégiques de l'Union européenne. L'Europe doit inventer d'urgence un "google de secours", reprendre le contrôle du cloud, défendre ses brevets et faciliter leur industrialisation, défendre ses technologies de pointe en matière de défense et protéger son industrie de l'armement, prendre sa place dans le contrôle des métaux rares, préparer comme les USA, la Chine et la Russie la guerre de l'espace, ...
6ème pilier: traiter différemment la question migratoire et la question identitaire avec un grand deal sur le droit d'asile et la directive travailleurs détachés. Le droit d'asile a échoué et est inacceptable pour l'Europe de l'Est (et de plus en plus pour l'Europe de l'Ouest). Il doit être abandonné dans une grande négociation entre pays d'Europe de l'Ouest et pays d'Europe de l'Est en échange de concessions des pays d'Europe de l'Est sur la question de la directive travailleurs détachés. Ce grand deal est indispensable pour relancer l'Europe. La solution humaine alternative est le "droit de secours" que pratiquent avec succès la Turquie, la Jordanie et le Liban. L'Europe doit cesser d'opposer identité européenne et identités nationales. L'objectif à atteindre est que chaque citoyen européen concilie dans son coeur patriotisme national et "patriotisme européen". Gagner la bataille des coeurs est absolument essentiel.
7ème pilier: la démocratisation des institutions et leur "dé'technocratisation". Il ne faut pas y aller par 4 chemins. Il faut redonner au Parlement le droit de proposer la loi et le reprendre à la Commission de Bruxelles en la supprimant purement et simplement. Cette interface technocratique entre les états et le Parlement doit disparaître et être remplacée par un gouvernement fédéral issu du Parlement et validé par le Parlement pour mettre en application des 6 premiers piliers. Et pour donner un visage à l'Europe, élisons tous les 10 ans un Président européen au suffrage universel direct. Il serait garant d'un temps long dont a besoin l'Europe. Ainsi, ces 7 piliers sont ce qu'on peut appeler "un fédéralisme lucide".
Emmanuel Macron faisait une bonne analyse à Aix la Chapelle lors de sa remise du prix Charlemagne quand il constatait la double divison de l'Europe, Nord-Sud sur l'économie et Est-Ouest sur la question des migrants. Refonder l'Europe commence par apporter des réponses de fond à ces divisons.
Une Europe plus démocratique et plus protectrice ne doit pas être un simple slogan. Cela procède de décisions courageuses qui n'ont pas été prises. Le faux débat entre fédéralistes aveugles et eurosceptiques inconscients, ça suffit! Le temps de l'audace et du courage est venu. Le temps du fédéralisme lucide est venu!
Pour le think-tank de l'Alternative Crédible,
pour le mouvement 5 étoiles France
et pour contribuer au débat interne sur l'Europe à l'UDI
Philippe Dervaux
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