Droite et Gauche ne prennent pas la mesure des changements en cours. Avec des "réformes" comme le compte pénibilité ou avec la multiplication des contraintes réglementaires et des taxes de toutes sortes sur les entreprises, ils se comportent comme si le salariat n'était pas menacé par de nouvelles formes de travail liées aux conséquences de la mondialisation.
Les nouvelles technologies, le développement d'internet et l'accroissement de la compétition mondiale constituent un cocktail détonant pour la perennité du salariat. Partout et dans tous les domaines les entreprises externalisent pour réduire au maximum leurs charges en personnel. Elles délèguent des taches exécutives à des sous-traitants en leur imposant des tarifs qui obligent ceux-ci à adopter des stratégies bien connues pour réduire les frais de personnels: utilisation de travailleurs détachés, travail au noir (souvent mixé avec du travail légal), délocalisation, ... Quant aux tâches plus intellectuelles de recherche, de suivi informatique ou de développement, elles sont également de plus en plus touchées par ce phénomène sous forme "d'achats de prestations de service". Il n'est pas rare qu'une entreprise demande à son salarié cadre de démissionner et de créer une entreprise avec le statut d'auto entrepreneur ou d'EIRL et de louer ses services à l'entreprise-mère.
Or notre système social repose essentiellement sur la pérennité du salariat. Face à cette évolution, les politiques actuels réagissent de deux façons inappropriées. Il y a l'attitude autiste de la Gauche de la Gauche (et bien souvent également de la Gauche et de la Droite de gouvernement) de faire comme si de rien n'était et il y a l'attitude masochiste de la Droite et de plus en plus de la Gauche de gouvernement de considérer comme "moderne et positive" cette évolution.
Mais cette évolution n'a rien de moderne ni de positif. C'est un nouveau Moyen-Age qui commence. C'est l'entrée dans une ère de précarité généralisée et le retour de l'exploitation du plus grand nombre par une petite minorité de profiteurs.
La faillite prochaine des finances publiques va bientôt nous obliger à renoncer à une grande partie de notre modèle social. D'une certaine façon le Front National est le seul à en prendre la mesure en proposant de circonscrire les prestations sociales aux seuls français. Néanmoins, la "solution" qu'il propose menace gravement la cohésion sociale avec la "préférence nationale" et toutes ses conséquences néfastes prévisibles. De plus, il va vite montrer son vrai visage qui est d'être en fait un parti terriblement conservateur et clientéliste, une sorte de PS ancienne version, auquel se rajoute un caractère identitaire fort.
L'Alternative Crédible propose une solution neuve qui se résume en un cocktail de 3 orientations:
- La réduction massive des charges sur les entreprises employant des salariés, le transfert des charges sociales sur une TVA sociale, la simplification maximale des lois et des procédures administratives en supprimant toutes les interventions sociétales de l'état dans l'économie, ... tout en ayant une action forte de régulation de l'état en faveur du producteur sur le distributeur. Cette orientation correspond idéologiquement à "un libéralisme authentique".
- La lutte au niveau européen et national contre les paradis fiscaux et l'optimisation fiscale, pour l'équité du commerce international et ... pour l'instauration d'un revenu maximum. Cette orientation correspond idéologiquement à un refus du néolibéralisme.
- L'instauration d'un régime simple et unique pour toutes les activités de prestation de service avec une taxation forfaitaire de la vente de service de 35% dont 20% pour le financement du système social (dont la retraite) et 15% pour l'Etat, associé à un système de points pour la retraite. Cette taxation est singulière puisque, à la différence du régime salarié où il y a une double fiscalité sur l'employeur et sur l'employé, la fiscalité est unique sur "l'employeur-employé". La simplicité d'un tel régime permet son contrôle et la lutte contre le travail au noir. Elle permet aussi de rendre accessible l'économie à tous et de pérenniser le financement du système social. Ce régime doit être imposé à toutes activités exercées en France, même aux travailleurs détachés. Cette orientation correspond idéologiquement à un accommpagnement des évolutions, sans opposition anachronique ni naïveté coupable.
Cette "alternative" a comme intérêt de rendre viable le salariat et de financer le système social et l'état malgré "l'ubérisation" de l'économie. Elle réduit l'écart entre salariat et prestation de service et donc la concurrence entre les deux. Elle entraine une individualisation du modèle social dans laquelle le travail de chacun lui ouvre des droits.
Cette "solution" est donc une alternative à la faillite programmée de notre modèle social. Elle est même la seule réponse de fond pour rendre la société de demain plus vivable que celle vers laquelle on s'achemine.
Philippe Dervaux