Nous pensons comme Angela Merkel que cette crise va durer et prendre de l'ampleur. Poussés par la guerre, la pauvreté et de plus en plus par les conséquences du réchauffement climatique, des millions de personnes vont tenter de rejoindre l'Europe dans les années à venir. Voilà pourquoi le débat politique doit être à la hauteur des enjeux et toutes les conséquences doivent être envisagées sans tabous. Nous avons listés 13 vérités dérangeantes qu'il serait bon de prendre en compte. A partir de celles-ci, nous faisons des propositions qui cherchent à concilier humanité et pragmatisme.
Les débat est ouvert ...
Les 13 vérités dérangeantes:
- Ces personnes sont toutes des réfugiés. En Syrie, les atrocités que commettent les forces du régime sont sans équivalent dans l'histoire récente. Dans les 2 camps, les populations vivent dans la terreur permanente des arrestations et des bombardements et la peur de ne rien trouver à boire ou à manger le lendemain. Les régimes dictatoriaux érythréen, gambien, soudanais, ... , la pauvreté et l'absence de liberté en Egypte, le désastre humanitaire et sécuritaire en Afghanistan, ... justifient de les considérer tous comme des réfugiés. Et comme la situation n'est pas prête de s'améliorer, le flux de personnes qui vont risquer leurs vies et celles de leurs familles pour traverser la Méditerrannée dans n'importe quelles conditions n'est pas prêt de se tarir.
- Réfugiés à l'origine, ces personnes deviennent rapidement des migrants dans leurs têtes. Elles viennent en Europe initialement pour fuire, mais très vite elles ne veulent plus repartir. C'est humainement compréhensible. A la fois elles s'habituent dans une société où, même pauvre, le niveau de confort est supérieur. A la fois, elles se coupent rapidement de leur société d'origine.
- Les 500 000 réfugiés qui vont venir en Europe cette année ne sont que la partie immergée de l'iceberg. Des mouvements migratoires bien plus importants ont lieu à l'intérieur de l'Afrique entre les campagnes dépourvues d'électricité et donc de travail et de distractions et les grands centres urbains électrifiés en plein développement. Jean-Lous Borloo l'a bien compris et organise un plan d'électrification de l'Afrique avec des énergies renouvelables qui mériterait un soutien massif de tous les acteurs possibles.
- L'Allemagne accueille plus par intérêt que par compassion. Son principal problème est sa crise démographique. L'économie allemande marche bien. Mais elle manque tellement de main d'oeuvre qu'elle risque la récession. De plus, sans immigration les retraites allemandes ne sont pas finançables. Le risque est que les allemands trient les réfugiés, gardent les plus aptes au travail chez eux et rejettent les autres qui iront alors majoritairement ... en France!
- Le système social français est paradoxale. Il est relativement facile pour un immigré clandestin de trouver du travail ... au noir (Il n'a de toutes les façons pas le droit de travailler légalement). Mais il est très difficile pour un bénéficiaire du droit d'asile ou un immigré avec une carte de séjour de trouver du travail légal, hormis dans certaines professions ingrates. Voilà pourquoi, beaucoup d'immigrés demandent à bénéficier des allocations sociales dès qu'ils obtiennent des papiers!
- Notre système social est tellement contraignant pour les entreprises, qu'une concurrence terrible prend de l'ampleur entre le secteur légal et le secteur informel. Dans beaucoup de branches d'activité comme le bâtiment, le ménage, la sécurité, ... il est pratiquement impossible pour une entreprise de fonctionner sans tricher. En cas d'un afflux trop important de migrants, le développement du secteur informel pourrait étouffer peu à peu le secteur légal!
- Contrairement à ce que veulent faire croire les bonnes âmes, la France n'a pas les moyens d'accueillir beaucoup de migrants. Chaque logement social accordé à un migrant est retiré de la liste de ceux destinés à des citoyens ou des immigrés légaux dans le besoin. Chaque allocation accordée est prise sur le budget collectif déjà bien plombé. Notre mode d'accueil est essentiellement supporté par la puissance publique sur les moyens accordés habituellement aux plus défavorisés. Nous ne déléguons pas comme dans les pays anglo-saxons l'assistance aux plus démunis et la solidarité aux églises et aux citoyens. ... Et inversement, contrairement à ce que le Front National affirme, le coût de l'immigration est globalement neutre. A long terme, l'immigration est même rentable puisque, selon les économistes, elle augmente le volume de travailleurs et de consommateurs!
- Les 24 000 migrants que l'Europe nous demande d'accueillir peuvent l'être et doivent l'être. Mais ne soyons pas naïfs, la crise ne sera pas réglée pour autant. Ce quota de 24 000 est un pied dans l'ouverture de la porte. Demain l'Europe nous en demandera bien plus. Néanmoins, il faut reconnaître que 120 000 pour l'Europe et 24 000 pour la France est objectivement peu compte tenu de l'ampleur de la crise. On aurait pu (du?) en accueillir officièlement 1 000 000 pour l'Europe dont 200 000 en France. Cela serait possible à condition de changer notre mode d'accueil (voir § 7 précédent) et de passer d'un mode d'accueil public (dont les moyens sont pris sur ceux destinés à nos propres SDF), à un mode d'accueil ouvert au privé avec des centres ouverts constitués de petits bangalows où les réfugiés pourraient travailler, s'instruire et se soigner. L'état ferait ainsi appel à la générosité privée des français pour apporter différents services dans ces centres.
- Beaucoup d'immigrés venus avant cette crise le regrettent. Certains au Sahel, au Maghreb ou en Afrique Noire ont quitté emplois et familles pour l'Eldorado européen et s'en mordent les doigts. Ils avaient crû qu'il suffisait d'être en Europe pour être riche et heureux. Ils avaient surtout crus aux illusions que véhiculent les immigrés de retour dans leur pays pour passer des vacances et voir leurs familles qui, pour paraître avoir réussi, débarquent chargés de cadeaux et investissent toutes leurs économies dans la construction de belles maisons au pays. Personnes ne leur a dit dans quelles conditions ils ont constitué ces économies!
- Les politiques qui veulent "arrêter le flux migratoire" réclament à grands cris la révision ou la suppression des accords de Schengen et le contrôle ou la fermeture des frontières. C'est ridicule. Ce n'est pas le respect des accords de Schengen qui va arrêter des personnes désespérées prêtes à tout pour fuir l'enfer d'où elles viennent. Contrôler nos frontières, nous n'en avons absolument pas les moyens! Nous ne sommes même pas capables de contrôler notre frontière avec l'Angleterre qui ne comprend qu'un tunnel et quelques ports!
- Les mêmes politiques veulent supprimer l'AME et toutes les aides sociales aux étrangers. Voient-ils dans quelle galère ils s'engagent? Ne pas soigner une personne quand elle commence à être malade, c'est devoir la soigner plus tard quand la maladie s'aggravera avec un coût humain et financier bien supérieur!
- Si l'Europe va "accueillir" 500 000 réfugiés cette année 2015, la Turquie en accueille déjà 2 Millions pour une population de 75 Millions d'habitants, le Liban 1,5 Million pour 4.5 Millions d'habitants et la Jordanie 500 000 auquels se rajoutent les 500 000 réfugiés irakiens. Dans le passé, l'Europe a été confrontée à des vagues migratoires bien plus importantes dont beaucoup d'entre nous sommes les descendants.
- ... et rajoutons une évidence même si elle est imaginaire: Si chacun de nous avions été confronté à la même situation qu'un réfugié syrien aujourd'hui, nous aurions selon toute probabilité été les premiers à vouloir fuire en Europe!
Voilà pourquoi nous voulons concilier l'humanité, parce ces personnes sont des humains comme nous, avec le pragmatisme, parce que leur nombre est un problème, et donc nous proposons:
- Que l'Europe, la France et tous les états européens, les fondations humanitaires et les associations investissent massivement dans le plan Borloo pour l'électrification de l'Afrique. Donner les moyens aux personnes de rester dans leur pays est la 1ère réponse.
- La majorité des migrants viennent de zones dirigés par des dictateurs. Se débarrasser des Présidents syriens, érythréens, gambiens, soudanais (du Sud et du Nord), ... est une priorité à condition que l'on prévoit un débouché politique et un suivi sur le long terme de chacun de ces pays.
- Accueillons avec humanité et bienveillance les 24 000 migrants du quota que l'Europe nous a octroyé, mais refusons une fuite en avant dans la politique des quotas. 200 000 réfugiés pourraient même être accueillis si on changeait le mode d'accueil et construisait des centres ouverts constitués de petits bangalows et bénéficiant de la générosité privée des français.
- Créons un corps de douane européen et ne faisons pas l'erreur de remettre en cause les accords de Schengen. Le principe de Schengen est la liberté de circulation pour tous ceux qui ont obtenus un titre de séjour dans un des pays. Cet accord demande en contrepartie une maîtrise des frontières extérieures de l'Europe. Ne laissons pas les italiens, grecs, espagnols et hongrois seuls face au problème.
- Organisons un système de retour sytématique et immédiat au pays pour ceux qui ne viennent pas de zones de guerre ou d'Erythrée et de Gambie. Ce retour doit être organisé avec humanité, c'est-à-dire après une semaine de remise en forme et de soins, par vol direct sans repasser par les côtes lybiennes et avec un petit capital de 1000€ en poche pour chaque migrant. Cela ne sera pas un appel d'air puisque chaque migrant dépense entre 5000 et 10 000€ pour venir. C'est au contraire une façon de casser le modèle économique des passeurs dont les réseaux doivent être combattus vigoureusement. Remarquons que cette solution ne coûte que 2000€ par migrant soit beaucoup moins que l'argent utilisé pour instruire un dossier de demande d'asile.
- Réquisitionnons sans complexe une île grecque (moyennant indemnisation conséquente des grecs) sur laquelle sera organisée un grand centre européens de réfugiés doté d'une économie, avec le droit de travailler pour tous, l'organisation d'un système scolaire et d'un système de soins financés par l'UE. Les réfugiés doivent aussi pouvoir bénéficier de la générosité privée des citoyens européens avec la mise en place d'un système de parrainage. Les centaines de millers de réfugiés de ce centre auront vocation à repartir dans leur pays d'origine quand la guerre sera terminée et que la situation le permettra. Ce système dit "d'île d'accueil" ou "de camps ouvert de réfugiés" est celui pratiqué par la Turquie et la Jordanie. Il fonctionne globalement bien même si ce n'est pas l'idéal.
- Finançons et organisons sur le même modèle des centres de réfugiés aux frontières des zones de guerre en Turquie, en Jordanie, au Liban, ... voir en Ethiopie et au kenya pour recevoir les migrants érythréens et somaliens. Et demadons aux USA et aux monarchies du Golfe de participer à leur financement, eux qui ont tant de responsabilités dans l'effondrement de l'Irak et dans la tournure qu'a prise la guerre en Syrie!
- Faisons une politique d'accessibilité économique, avec la réduction des charges et des réglementations sur les entreprises, pour permettre à chacun d'accéder à un emploi ou de créer son activité et ainsi de s'en sortir par son travail. Réduisons ainsi l'écart de compétitivité entre l'économie légale et l'économie non déclarée.
L'ensemble de solutions que nous préconisons concilie l'humanité qu'il ne faut perdre en aucunes circonstances et la volonté des peuples européens qu'il faut absolument respecter sous peine de graves problèmes politiques. Arrêtons de nous réfugier dans des considérations juridiques de distinction entre "réfugiés" et "migrants économiques". Cela avait peut-être du sens dans les années 70 avec les personnes fuyant les dictatures d'Amérique du Sud, mais cela n'a plus de sens aujourd'hui. Arrêtons d'opposer ceux qui veulent accueillir tout le monde au nom de leur morale bobo à ceux qui accusent les migrants de tous les maux pour justifier de barricader des frontières sans avoir les moyens de le faire d'ailleurs.
L'avenir de l'Europe se joue probablement avec cette crise des migrants. Et sans doute une bonne part de l'avenir politique de la France dont les dirigeants et aspirants dirigeants feraient bien de voir les réalités en face.