La nouvelle UDI a un devoir de créativité. L'UDI ne se développera que si elle rempli sa mission d'inventer une nouvelle voie pour la société française fatiguée. L'UDI ne se développera que si elle est source d'idées innovantes qui offrent de nouvelles perspectives aux jeunes et aux classes moyennes de notre pays.
Tout d'abord, il faut bien comprendre le défi que la crise nous oblige à relever. En deux mots, nous devons réduire nos dépenses publiques pour ne pas faire faillite. Mais réduire les dépenses publiques, c'est de fait mener une politique d'austérité qui nous fait entrer dans un cycle récessif, qui lui même provoque une crise de l'emploi et la faillite des finances publiques. Bref, la faillite ou la faillite!
Pour sortir de cette impasse, il faut de la créativité. Il faut inventer une nouvelle voie capable de réduire les dépenses publiques sans tomber dans l'austérité classique et ses effets prévisibles. Si le Centre est capable d'inventer cette voie et de l'expliquer, il a tout gagné. S'il ne l'est pas, s'il se contente juste d'être une nuance de la Droite (ou de la Gauche), il ne sert alors pas l'intérêt général, il ne présente aucun intérêt pour la majorité des citoyens, et il n'a donc aucunes perspectives électorales.
Je pense que cette nouvelle voie centriste existe, au moins sur le plan théorique. On peut la qualifier de voie"libérale-humaniste". Elle est un libéralisme authentique sur le plan socio économique, et une société de responsabilité libérale et tolérante sur le plan philosophique et sociétal. Malheureusement, la majorité des militants et des dirigeants centristes n'en sont absolument pas conscients. Des millions de français ont attendu en vain que François Bayrou l'incarne. Malgré quelques bonnes pistes qui semblaient prometteuses, il n'est jamais allé au bout de ses idées, et s'est perdu dans un positionnement politique hasardeux. A mon avis, c'est sa capacité à incarner et à développer cette voie nouvelle qui fera à moyen terme le succès ou l'échec de l'UDI.
Sur le plan socio-économique, la grille de lecture du libéral-humanisme peut être résumé en 2 phrases: Réduire massivement nos coûts de fonctionnement pour réduire les charges sur les entreprises et investir. Refuser la précarisation des salariés et des classes moyennes sous la pression des déficits et de la mondialisation.
En développant plus, on peut résumer cette politique en plusieurs axes forts:
1) Réorganiser complètement notre fonction publique pour la rendre plus efficiente et moins coûteuse. Remettre en causes les privilèges privés qui coûtent chers à la collectivité (corporatismes, PPP abusifs, retraites chapeaux, hautes retraites, ...). Simplifier le droit dont la complexité est source de coûts.
2) Réduire massivement les charges sur les entreprises. Réduire les charges directes, c'est à dire les charges sociales et les taxes foncières. Réduire les charges indirectes, c'est à dire alléger les réglementations et créer un environnement favorable à l'entrepreneur. Créer ainsi les conditions d'un nouveau dynamisme économique.
3) Investir massivement dans des grands projets industriels et écologiques structurants. Organiser ainsi la transition écologique des modes de production et de consommation. Favoriser l'investissement par la simplification juridique et la stabilité juridique. Réorienter l'épargne privée pour soutenir notre économie nationale.
4) Compenser les effets récessifs de la réduction des dépenses publiques par une vigoureuse politique visant à faire baisser les prix du logement. Réorienter les dépenses sociales vers les travailleurs pauvres. Refuser de faire payer aux salariés le coût de l'adaptation à la mondialisation. Refuser la précarisation des salariés. Refuser ainsi la remise en cause du CDI, du SMIC, et du statut de fonctionnaire.
5) Remettre de la justice, du respect et de l'humanité dans le traitement par l'état des citoyens. Défendre les libertés publiques. Renouer avec l'esprit festif de 68 et remettre de la convivialité et de la mixité sociale et intergénérationnelle partout. Défendre l'intégration à la française. Protéger les enfants d'immigrés de l'influence des minorités délinquantes et extrémistes.
6) Ressusciter le rêve européen. Débarrasser l'Europe de la mainmise des technocrates. Recentrer l'Europe sur l'essentiel. Rendre aux états la gestion de la vie quotidienne.
Concrètement, cela pourrait se traduire par les propositions suivantes:
1) Une nouvelle architecture des collectivités territoriales
Passer de 22 régions métropolitaines à 8. Confier aux régions l'ensemble de la politique de l'emploi, de la formation professionnelle, des transports, et leur ajouter un rôle de pilotage de la politique industrielle. Réduire le nombre d'organismes para public au maximum.
Conserver les départements avec la charge de la politique sociale et des collèges. Leur ajouter la gestion des lycées. Réduire le nombre d'organismes para public au maximum.
Mailler le territoires en intercommunalités dont leurs communes seraient transformées en arrondissements. Seules les communes hors de ces intercommunalités resteraient des communes de pleine exercice. Interdire tous les doublons entre les intercommunalités et leurs arrondissements. Réduire le nombre d'organismes para public au maximum.
Pour la gouvernance du Grand Paris:
Fusionner les 4 départements 75, 92, 93, et 94 en 1 seul auquel serait ajouté les compétences de la Société du Grand Paris et de Paris Métropole.
A terme, transformer toutes les communes du Grand Paris en arrondissements, et remplacer la Mairie centrale de Paris par une Mairie centrale du Grand Paris.
Naturellement, quasiment tous les élus, hauts fonctionnaires et technocrates à leur service seraient contre de telles propositions. Pourtant ce n'est que du bon sens. Rien de véritablement révolutionnaire dans ces propositions, d'autant qu'elles respectent les usages et les traditions politiques françaises. Elles permettraient des économies considérables en dépenses de fonctionnement, et elles apporteraient de la lisibilité et donc de l'efficacité et de la démocratie aux institutions. Au fond, refuser ces propositions, ou des propositions similaires, est un crime contre les générations futures. Alors qu'il y a tant de besoins non pourvus, pourquoi continuer de jeter l'argent par les fenêtres? Mais peu en sont encore conscients.
2) Plafonner les frais bancaire d'incidents sur compte.
Le PS et le Front de Gauche (et parfois l'UMP!) passent leur temps à accuser les banques de tous les maux. "Mon ennemi c'est la finance", proclamait François Hollande. "Mettre au pas les spéculateurs" clamait Nicolas Sarkozy. Toutes ces belles envolées lyriques sont inconsidérées si on prend en compte l'interdépendance des états envers la finance, et la fragilité du système financier. C'est de plus ridicule de la part des dirigeants d'un pays qui a moins fait pour réguler la finance que les dirigeants de la Grande Bretagne et des USA, qui sont pourtant ouvertement liés à la City et à Wall Street.
Par contre, il y a une bonne raison pour que les français en veuillent à leurs banques. C'est le prix exorbitant des frais d'incidents sur compte. Traités manuellement par le passé, ils sont pour la plupart informatisés aujourd'hui. Et pourtant les banques ont conservé les même tarifs au détriment des français les plus en difficulté.
C'est là qu'il faut agir, en plafonnant tout simplement le prix de chaque type d'incidents.
3) Exonérer totalement la transmission d'entreprises pour les PME et les TPE.
Chaque années des dizaines de milliers d'entreprises ferment lors d'une succession. Cela a un coût économique bien supérieur aux gains pour l'état du produit de ces successions. Pourquoi alors continuer à se tirer une balle dans le pied? comment ignorer le gâchis humain de cette absurdité? La solution est de permettre au dirigeant d'une PME et d'une TPE de désigner librement son successeur et de lui "offrir" son entreprise. Qui est le compétent pour savoir quel employé ou cadre est le plus apte à reprendre l'affaire, si ce n'est l'ancien chef d'entreprise? Qui est souvent le plus attaché à la perpétuation de son entreprise? Pour les puristes du droit, c'est sans doute faire preuve d'une générosité inconcevable, mais pour les réalistes, c'est la façon la plus simple de sauver chaque année des dizaines de milliers d'emplois.
4) Restaurer les avantages fiscaux du statut de l'auto entrepreneur, et l'étendre aux artisans et aux commerçants en leur permettant d'embaucher des salariés qui auraient le statut d'auto entrepreneurs prestataires de service.
Créé par le libéral Hervé Novelli, le statut d'auto entrepreneur est l'une des plus belles réussites de ces dernières années. Plutôt que de le remettre en cause sous prétexte qu'il ferait une concurrence déloyale aux artisans, je pense qu'il faudrait au contraire l'étendre aux artisans et aux commerçants qui le souhaitent, en contournant l'obstacle de l'impossibilité d'embaucher sous ce statut par la possibilité d'avoir recours à des salariés prestataires de service, eux-même sous le statut d'auto entrepreneur.
5) Faire une grande réforme de la fiscalité.
Le système fiscal est de plus en plus complexe et inefficace. Sa complexité est un coût indirect pour les entreprises, et son instabilité décourage l'investissement. C'est la plus grande erreur de Hollande de ne pas avoir tout remis à plat comme il se l'était engagé.
Pourtant, des proches lui avait fourni les bonnes idées sur ce domaine qu'il connaît bien. Pour la fiscalité des ménages, il faut fusionner l'IR et la CSG en élargissant l'assiette et en donnant plus de progressivité. Pour les entreprises, il faudrait créer un véritable choc de compétitivité en basculant sur la TVA la moitié des charges sociales qui pèsent sur la production, avec une augmentation de 5 points d'un coup (hormis sur les produits de premières nécessité, et sur la construction de logements). Le prix des produits importés seraient augmentés de 5%, alors que les producteurs français pourraient profiter de coûts de production moindres pour réduire leurs prix et mieux exporter, et augmenter leurs marges, et donc leurs capacités d'investissement.
6) Droit des femmes: créer le statut protégé "d'étudiante-mère".
Najat Vallaud Belkacem le reconnait elle-même. Seule 9% de l'écart de revenu entre les hommes et les femmes s'explique par une véritable différence à travail et poste égal. La raison principale de l'écart est dû à la maternité des femmes, et surtout à ses conséquences sur le long terme. Beaucoup de femmes interrompent leur carrière entre 35 et 40 ans. Le retard pris est alors définitif, sans compter celles qui ne reprennent jamais ou juste à mi-temps. L'idée de bon sens est de permettre aux femmes d'avoir un enfant avant de commencer leur carrière professionnelle, c'est-à-dire pendant leurs études. Il est beaucoup plus facile, et relativement peu coûteux pour l'état, de leur accorder des facilités et des moyens dans le cadre d'un statut protégé pendant leurs études, que de combattre les inégalités dans leurs vies professionnelles.
7) Sécurité et délinquances des mineurs: créer des écoles disciplinaires.
Tous les gouvernements se cassent les dents sur la délinquance des mineurs. La loi actuelle basée sur l'ordonnance de 1945 oblige l'état à rester impuissant jusqu'à ce que le mineur commette un acte vraiment grave. Alors, on le met en prison, ce qui en fait généralement un grand délinquant, ou on le place dans un centre spécialisé, ce qui est extrêmement coûteux. L'immense majorité des mineurs ne dériverait pas s'il existait un moyen de réprimer tout jeune les premiers actes, avec des moyens adaptés à l'âge et dans des proportions adéquates avec la gravité des faits. Transformer certains collèges et lycées en écoles disciplinaires, dans lesquels transiteraient les enfants pendant un temps à chaque fois limité, permettraient de joindre la sanction immédiate à l'acte, tout en poursuivant la scolarité, et sans laisser de traces dans le casier judiciaire de l'enfant. C'est une façon de sortir le délinquant de son milieu, de protéger la victime, et de recadrer le jeune délinquant avant qu'il ne commette des actes plus graves.
8) Accorder la nationalité française aux enfants d'étrangers dès la naissance.
A partir du moment où l'un de ses parents a un titre de séjour, un enfant restera quoiqu'il arrive sur le sol français, et il deviendra plus tard français. C'est la réalité des faits aujourd'hui et c'est presque la réalité juridique. A quoi sert-il de dire à un enfant qu'il n'est pas français pendant toute son éducation, qu'il fantasme sur un pays d'origine qu'il ne connaît pas, pour ensuite lui donner quasiment automatiquement la nationalité française, quoiqu'il ait fait? Arrêtons de considérer les enfants et les petits enfants d'immigrés comme des immigrés. Comment s'étonner ensuite que certains ne se sentent pas français. Cette mesure de bons sens ne coûterait rien, serait très efficace pour améliorer l'intégration, et mettrait les parents d'immigrés devant leurs responsabilités éducatives.
9) Investir massivement dans l'éolien maritime et le simili-carne.
On peut concilier l'efficacité écologique et la réindustrialisation. Lancer des grands projets écologiques structurants a de multiples avantages. L'éolien maritime et le simili-carne seront des besoins immenses à pourvoir dans le monde entier dans l'avenir. La France a des atouts évidents pour développer un nouveau secteur industriel pour chacun de ces nouveaux marchés. Il faut créer les filières universitaires nécessaires, investir des capitaux publics via la CDC ou la BPI, mobiliser les capitaux privés, et créer des incitations fiscales pérennes.
10) Offrir 5 millions de voitures électriques aux habitants des zones péri-urbaines.
Cette proposition, qui peut paraître surprenante et démagogique, est très rationnelle . Les voitures électriques les moins chères coûtent aujourd'hui 12 000€ pour une autonomie de 180 km environ. Si on en offrait 5 millions en les facturant chacune au prix modique de 6000€ à leur heureux propriétaire, cela reviendrait à un coût de 30 milliards d'euros. En étalant sur 10 ans cette opération, on sauverait le secteur automobile français en lui permettant d'investir massivement sur un secteur d'avenir, et on offrirait un ballon d'oxigène aux habitants des zones périurbaines qui sont les principaux perdants de la crise. Cela soutiendrait la consommation et la croissance suffisamment pour ne pas tomber dans un cycle récessif. Cela préparerait les exportations de demain. Cela serait une mesure très efficace de lutte contre la pollution. Cela serait une grande mesure de justice sociale. ... et ce serait la meilleure stratégie pour sortir de la crise. L'histoire a montré qu'on sort toujours d'une grave crise par ... la générosité et l'investissement. En 1945 n'est-ce pas le plan Marshall qui a permis de reconstruire l'Europe? N'est-ce pas les investissements massifs dans le nucléaire et dans l'aéronautique décidés par De Gaulle qui ont fait la richesse de la France?
L'Histoire a aussi montré que sont toujours des grandes idées simples portées par des hommes politiques charismatiques qui sont efficaces, et non la multiplication de mesurettes technocratiques dont les effets contradictoires s'annulent entre eux.
Je sais également, que dans l'état actuel du droit européen aujourd'hui, cette dernière proposition serait retoquée par la Commission européenne. C'est une preuve de plus que nous devons nous battre pour faire évoluer l'Europe dans le sens d'une meilleure défense des intérêts des européens, alors qu'elle se comporte souvent comme le promoteur d'une vision dogmatique de l'économie.
Les propositions ci-dessus ne sont évidemment pas exhaustives. Elles ne résolvent pas tous les problèmes, et bien d'autres idées peuvent être imaginées. Ces idées, comme tout ce qui est écrit dans ce site, n'engage pas l'UDI. Mais je pense que l'UDI n'a rien à perdre à oser des idées iconoclastes et neuves. La créativité est une valeur essentielle en politique.
Philippe Dervaux