1) Forces et faiblesses du centre
Ce qui fait à la fois la richesse intellectuelle et toute la difficulté de la pensée centriste est qu'elle cherche à prendre en compte toutes les facettes de la réalité humaine, même si elles sont contradictoires. Cette exigence de réalisme est autant sa beauté que sa faiblesse. Le centre est d'abord un tempérament enclin à la conciliation et au compromis. Cela l'expose en permanence aux accusations de mollesse, d'opportunisme, d'indécision et de compromission avec l'autre camp lorsqu'il est intégré dans une majorité. Pour un centriste, rien n'est ni tout blanc ni tout noir. Il ne voit que des nuances de gris. Ce qui légitime donc la démarche centriste est la complexité de notre époque et l'échec des approches simplistes pour résoudre les problèmes. Pour prendre un contre-exemple de ce qui est l'exact inverse d'une démarche centriste, le volontarisme sarkozyste, qui est est une qualité en soi, a logiquement fait chou blanc dans sa prétention à réformer la France. Chaque injonction s'est brisée sur le mur de la réalité ou a capitulé devant les oppositions catégorielles. Mis à part une réforme des retraites à minima, une autonomie des universités qui est une bonne idée mais dont l'application reste à améliorer, un RSA aux résultats décevants, et la fusion de l'ANPE et des ASSEDICS dans un Pôle Emploi qui fonctionne mal, le bilan en politique intérieur (le bilan en politique extérieur est bien meilleur) est beaucoup d'agitation pour peu de résultats. La raison fondamentale est sa façon de vouloir toujours agir dans la précipitation, sans concertation suffisante, et en prenant des postures radicales. Résultat, beaucoup d'annonces fracassantes, qui sonnent justes dans le temps médiatique, mais dont il ne reste pas grand chose dans le temps réel.
(texte écrit le 06/02/2011, non modifié et amélioré depuis car faisant parti des textes fondateurs de ce site)
20% des électeurs environ se disent centristes. Généralement les élections présidentielles se gagnent au centre, dit-on. Tel que semble se présenter 2012, avec la radicalisation de la droite et de la gauche, un espace plus grand que jamais s'ouvre au centre. Il est donc utile de se poser la question de ce que signifie "être centriste". Peut-on même "être centriste par conviction" ?
Avant de vous proposer plusieurs textes de réflexions sur ce qu'est le centre, textes qui me semblent couvrir toutes les dimensions du sujet, je vous livre mon opinion synthétisée.
2) Les 3 façons de vivre son engagement politique au centre
1èrement: La façon traditionnelle du positionnement centriste à mi-chemin entre la droite et la gauche. C'est la position du modérateur, du conciliateur. Il participe naturellement à une majorité (généralement de droite) dont il incarne l'aile modérée, sociale, humaniste, européenne, girondine, libérale sur le plan culturel et régulatrice sur le plan économique.
2èmement: La façon bayrouiste ou gaulliste d'un centre indépendant qui est plus un mouvement central que centriste. Elle se justifie comme la réponse à une situation de crise, en rassemblant des personnes venant de la droite et de la gauche autour des valeurs traditionnelles centristes pour construire une troisième voie qui va "sauver le pays". Pour illustrer ce propos, je vous livre ci-joint quelques déclarations de François Bayrou lors de sa campagne de 2007:
Le rôle du président de la République, c'est de penser à tous les français au lieu de penser à son camp" François Bayrou
"J'ai un rêve, le rassemblement du peuple français, comme l'avait fait le général à la libération et en 1958 !" François Bayrou
"Je suis persuadé qu'on peut faire travailler ensemble des socialistes ouverts, des gaullistes, autour d'une force du centre qui assumera elle aussi sa personnalité" François Bayrou
"Aujourd'hui, l'intérêt vital du pays exige de dépasser, au moins pour un temps, le clivage entre la droite et la gauche, et de retrouver les principes de la République" François Bayrou
"Je serai le président qui mobilisera les ressources de notre grand pays. Je serai le président qui réunira les français pour les faire vivre ensemble au lieu de les opposer.
Quand les choses vont mal, un peuple divisé est impuissant, un peuple réuni peut tout. C'est maintenant que cela va se décider" François Bayrou
3èmement: La façon "alternative crédible", dans la lignée de ce qu'était le mouvement radical socialiste durant la troisième république, qui consiste à incarner un véritable courant d'opinion partageant les valeurs traditionnelles du centre mais qui trouve sa légitimité dans les évolutions historiques contemporaines. C'est la voie la plus difficile mais aussi la plus solide et donc la plus pérenne. C'est une voie qui veut prendre les problèmes à bras le corps, avec réalisme et efficacité, mais qui refuse toutes les solutions brutales et injustes. La ligne conductrice est l'humanisme dans toutes les circonstances. Un article du blog illustre cette prise de position: L'indépendance du centre a un sens profond.
Quelque soit la façon de vivre son engagement, il y une communauté de valeurs partagée par tous les centristes. Tous les centristes sont avant tout des humanistes. Mais il y a des divergences profondes de stratégie.
La première façon est mis à mal par la dérive droitière de l'UMP et la participation au pouvoir de centristes qui ont tout voté et tout accepté sans broncher pendant des années. Leur récente prise de distance apparaît alors comme opportuniste et peu crédible. Cette stratégie, si elle fonctionnait, reviendrai à recréer une nouvelle UDF à la fois alliée de l'UMP et à la fois concurrente.
La deuxième façon est courageuse mais fragile. Elle dépend d'une victoire aux présidentielles et de la capacité ensuite à former une majorité présidentielle avec les ralliements venus de tous les horizons. Si elle fonctionnait, on pourrait avoir quelques doutes sur la sincérité de ces ralliements et et donc des craintes sur la solidité de cette majorité dans la durée. Bien-sûr, François Bayrou a une grande expérience politique, et son élection entraînerait un remodelage complet du paysage politique.
La troisième façon demande d'accomplir au préalable un travail de réflexion considérable. Elle est est la plus difficile à mettre en place. Mais si elle fonctionnait, elle apporterait un véritable renouveau à notre démocratie, et elle serait la plus utile pour construire l'avenir de la France. De plus elle n'est pas incompatible avec les 2 autres mais au contraire complémentaire. Elle leur apporte à toutes les deux de la consistance idéologique, ainsi que de la sincérité qui manque cruellement à la première, et les conditions de la pérennité qui manquent cruellement à la seconde.
Ce qui donne raison à François Bayrou est que ce qui légitime le plus la nécessité d'une victoire centriste aux présidentielles et aux législatives de 2012, c'est la situation réelle de l'endettement de la France. Il va falloir réduire le train de vie de l'Etat, faire "des sacrifices douloureux". Cela n'est possible qu'avec les centristes sur le fond comme dans la méthode. Droite et Gauche sont dispendieux. Demander des efforts n'est acceptable qu'accompagné de fortes mesures de justice sociale, à l'inverse de ce qui s'est fait durant les 5 dernières années. Réduire les dépenses n'est possible qu'en s'affranchissant des intérêts catégoriels et des lobbys de toutes sortes avec lesquels la Droite et la Gauche sont beaucoup trop compromis. Beaucoup de citoyens sont dans une situation très fragile. Leur demander des efforts nécessite de mesurer dans le détail les conséquences pour chaque situation, et de trouver des mesures de compensation négociées et expliquées. La France a besoin d'une direction générale simple de réduction des dépenses et de préparation de l'avenir, mis en place par une majorité centriste faisant sans précipitation et dans la concertation"un travail dans la dentelle" d'optimisation des dépenses, de création de nouvelles formes de social compensatrices, d'investissements intelligents, ... La méthode est importante pour que chaque citoyen comprenne clairement qu'elle est la voie empruntée pour redresser la situation de la France, qu'il soit associé à cet effort, et qu'il soit écouté et respecté dans la défense de ses intérêts légitimes.
3) La condition de pérennité de la démarche bayrouiste
Je pense que François Bayrou a raison dans sa démarche. Vous, l'aurez compris, j'espère sa victoire en 2012. Mais je pense que le centre devra tôt ou tard se vivre comme un véritable courant politique: c'est-à-dire une réflexion globale, générant un corpus doctrinal solide, générant lui-même un grand courant mouvement d'adhésion populaire. Plus simplement dit, le centre aura gagné le jour où des millions de personnes se diront spontanément centristes, ou "modem", ou démocrates, ... Peut importe le terme. Je pense que c'est ce que n'a pas réussi le MoDem jusque maintenant. Et cela est la plus grande faiblesse de François Bayrou pour 2012. Quoiqu'il en soit, si François Bayrou gagne, il aura rapidement besoin que le MoDem joue son rôle d'animateur d'un courant d'opinion fort et pérenne, justement pour pérenniser sa majorité.
Philippe Dervaux
PS: Témoignages de centristes
Le premier texte, tiré du Nouvel Economiste, est écrit par Jean Louis Bourlanges.
C'est pour moi l'un des meilleurs texte. Je vous laisse le découvrir.
A voix haute tiré de « Le nouvel Economiste - n°1538 - Du 14 au 20 octobre 2010 – Hebdomadaire » page 12 et 13
C ’est Pascal qui a fixé pour l’éternité la place du centre en disant que nous vivions dans un monde où la circonférence est partout et le centre nulle part.
Les trois raisons de l'éclatement du Centre
Le centre est une famille politiquement éclatée, qui a été broyée au cours des vingt dernières années par une succession de crises conjoncturelles et structurelles. La première de ces crises tient à la dualité des cultures constitutives de la famille centriste. Les hommes et les femmes du centre ont en commun une allergie au tout- Jacobin ou au tout-Etat, mais ils ne la vivent pas de la même manière.
On a d’un côté une tradition démocrate chrétienne issue de la doctrine sociale de l’Eglise, favorable à un renforcement des pouvoirs de la société civile par rapport à l’Etat, mais plus communautariste ou corporatiste qu’individualiste, une tradition qui a, par exemple, porté le syndicalisme agricole. De l’autre côté, on a une famille libérale qui vient des Lumières et s’identifie à l’affirmation de l’individu par rapport à l’Etat. Ainsi divisée au plus profond d’elle-même, l’UDF n’a jamais réussi à constituer une société politique commune, donc à sélectionner démocratiquement un candidat légitime à la présidentielle qui soit issu de ses rangs. C’est pourquoi les centristes se sont traditionnellement tournés vers des personnalités extérieures qui puisaient leur légitimité dans leur action au sommet de l’Etat : Valéry Giscard d’Estaing, Raymond Barre, Edouard Balladur. A partir toutefois de l’élection de Jacques Chirac en 1995, le cordon ombilical se rompt entre l’Etat et la famille centriste. En l’absence d’arbitre, l’UDF se disloque et la guerre des sous-chefs, Bayrou contre Madelin, empoisonne la vie de la confédération avant de la détruire.
La seconde crise est liée au développement de la mondialisation. Le pacte fondateur de l’UDF reposait sur l’alliance nécessaire du libéralisme et du solidarisme. Elle acceptait la redistribution des ressources, la régulation des comportements et la prise en charge des besoins sociaux par la puissance publique. En même temps, elle affirmait, face aux chantres du tout-Etat, les droits imprescriptibles de chacun d’entre nous à penser, à agir, à produire, à vendre, à donner, à recevoir ou à acheter. Autant d’actes qui sont constitutifs d’une société libérale. Même s’ils ne croient pas à l’infaillibilité des jeux de l’offre et de la demande pour réaliser l’optimum économique et social et s’ils estiment que l’Etat doit garantir une véritable égalité entre les intervenants de l’économie de marché, les sociaux-libéraux que sont les centristes affirment avec force que la limitation du pouvoir des individus et des acteurs sociaux par l’Etat doit être exceptionnelle et motivée par des considérations précises d’intérêt général.
La mondialisation a sonné le glas de cette synthèse : les libéraux ont, pour préserver la compétitivité économique, préconisé de plus en plus nettement un reflux de l’Etat providence tandis que les sociaux-libéraux issus de la démocratie chrétienne se sont, avec Bayrou, arc-boutés sur la défense du “modèle social français”. Dans toute l’Europe, les premiers ont milité pour la rupture de l’ordre socio-libéral et n’ont pas hésité à dériver vers une droite profonde cultivant l’allergie à l’Etat providence, l’autoritarisme sécuritaire et un souverainisme teinté de xénophobie. De cette formule, le parti conservateur de Margaret Thatcher a été le modèle, Forza Italia de Berlusconi, la caricature et le Fides de Victor Orban le dernier avatar.
En France, l’UMP avait su jusqu’à ces derniers mois contenir cette dérive droitière dans certaines limites. Il semble qu’aujourd’- hui ce ne soit plus tout à fait le cas. Du coup, lâchés à droite par les libéraux, non reconnus par la gauche jacobine, les centristes sont devenus une patrouille perdue au coeur d’un système qui fait la part belle à la droite de la droite et à la gauche de la gauche. Résultat de ce divorce entre libéraux et sociaux-libéraux, aucune des deux familles constitutives de l’UDF n’a la taille critique pour équilibrer, à elle seule, la composante néogaulliste de la majorité. D’où la spirale de l’échec : les libéraux quittent l’UDF en 1998, de nombreux démocrates chrétiens les suivent en 2002 et le Nouveau Centre se résigne cinq ans plus tard à n’être qu’une force d’appoint de l’UMP.
La troisième crise s’explique par la sous-estimation par Bayrou de la contrainte bipolaire qu’exerce la VeRépublique sur le comportement des partis politiques. De Jean Lecanuet à Jean-Jacques Servan-Schreiber en passant par Alain Poher, tous ceux qui au centre ont voulu s’affranchir de la logique majoritaire ont été broyés par celle-ci. Si Valéry Giscard d’Estaing a réussi, c’est parce qu’il a exploité la bipolarisation à son profit, en rassemblant la famille du centre et en divisant la famille néogaulliste. Ces trois crises ont entraîné les centristes dans une voie sans issue. Mais à toute chose malheur est bon, le diagnostic éclaire a contrario la voie à suivre pour assurer la renaissance de la sensibilité centriste actuellement mise à mal.
La matrice du centre
Le centrisme a historiquement une double dimension. Il est d’abord le parti de l’intermédiation, celui du trait d’union entre la droite et la gauche. D’Henri Queuille à Edgar Faure, les radicaux ont excellé sous la IVeRépublique dans ce rôle de médiateur. Ce centrisme d’entremetteur n’est plus de mise sous la VeRépublique qui voit s’affronter des majorités claires de gauche et de droite. Tout au plus, conserve-t-on le besoin d’un modérateur destiné à tempérer les ardeurs des excités des deux bords. Cette vision traditionnelle, celle de l’arrangeur, pèse lourd sur l’image dépréciée des centristes. Le mérite de François Bayrou, c’est d’être sorti de cette culture de la soumission et de la prudence. Son problème, c’est d’en être sorti par effraction. Il a simultanément répudié la logique majoritaire de la VeRépublique et le vieux fonds idéologique du centrisme. Il aurait du porter le message centriste au coeur de la République gaulliste et il a fait l’inverse, ignorant le cadre institutionnel qui lui était imposé et exaltant une protestation populiste d’assez mauvais aloi. Ce serait en effet une erreur de considérer que le centrisme est une simple attitude et n’a pas de contenu. Il n’est pas simplement “entre la droite et la gauche”mais il est différent de la droite et de la gauche.
Une différence dont il n’a pas toujours bien conscience. J’ai caractérisé plus haut cette différence en affirmant que le centre est le parti de la société par opposition aux partis de l’Etat. Au lieu de se représenter les forces politiques comme autant de partis positionnés sur un axe linéaire droite-gauche, il est tentant d’imaginer une distribution en fer à cheval : à l’extrémité des deux branches, les partis du tout-Etat, de l’extrême droite et de l’extrême gauche ; un peu plus proche du centre, les grandes formations jacobines issues du socialisme et du gaullisme, et au centre, répartis entre les sociaux-démocrates et les démocrates sociaux, les amis de la société. Les sociaux-démocrates sont écrasés par la gauche du Parti socialiste qui s’appuie idéologiquement sur l’extrême gauche. Les libéraux- démocrates sont affaiblis par leurs divisions culturelles. Ils parviennent, fût-ce avec une difficulté croissante, à se mettre d’accord sur une action gouvernementale mais ne parviennent guère à oublier que leurs histoires les séparent. Les amis de la société occupent un large espace politique mais la bipolarisation les divise et soumet leur territoire aux jacobins des deux bords.
Le retour d’une demande de centre
Nous avons en 2007 touché un point bas catastrophique avec d’un côté un chef sans troupe, sans stratégie, sans boussole - François Bayrou - et de l’autre, des troupes sans chef, sans autonomie et sans vraie capacité d’influence. Il s’agit de fédérer toutes ces composantes pour proposer aux Français une offre politique unifiée et cohérente. Les centristes y aspirent confusément. Nous assistons à une radicalisation symétrique de la droite et de la gauche. Confrontée à l’arrogance de l’argent, au chantage au départ des capitaux, des impôts et des activités, la gauche se fait plus contestataire que concordataire. Confrontée à des flux migratoires qui menacent l’identité culturelle de la nation et pèsent sur les dépenses de l’Etat, la droite se fait plus autoritaire, plus xénophobe et plus brutale que naguère. Cette double radicalisation ne mène à rien et laisse en jachère le vaste espace de ceux qui ne voient de salut que dans la conciliation du libéralisme et de la régulation, du contrôle des flux migratoires et du succès de l’intégration, de la solidarité fiscale et sociale et du refus de diabolisation des dirigeants. La demande de centre est de retour. La crise y concourt formidablement car c’est à la fois celle du keynésianisme et du libéralisme, de l’endettement et du laisser faire. La crise fait paraître la nécessité d’une nouvelle synthèse entre solidarité et liberté.
Un besoin d’Europe
De plus, nous sentons poindre à nouveau un besoin très fort d’Europe. Ce besoin avait disparu au lendemain de la guerre froide. La triple illusion de l’hyper-puissance américaine, de la mondialisation heureuse et de la fin démocratique de l’Histoire avait entraîné le sentiment, popularisé par Gordon Brown, de l’inutilité d’une construction européenne trop ambitieuse et trop contraignante. A quoi bon mobiliser et s’imposer l’unification de l’Europe si tous les problèmes sont réglés ! Or aujourd’hui, qui ne voit les limites de l’hyper-puissance américaine, la douloureuse asymétrie de la mondialisation, la fragilité des valeurs démocratiques contestées par l’intégrisme religieux et par la condescendance chinoise ? La menace géopolitique est de retour et l’Union européenne est à refonder. On ne voit pas qu’elle puisse l’être par des souverainistes et des anti-libéraux professionnels.
L’ambition du centre
Plus que jamais le besoin de liberté se fait sentir face au carcan bureaucratique, le besoin de solidarité s’affirme pour rendre les efforts acceptables, le besoin d’Europe devient impérieux. Liberté, solidarité, Europe, ce sont les fondamentaux du centre. Il y a donc place pour une offre politique venant de cette famille. Aujourd’hui, les discours politiques de Nicolas Sarkozy et de Martine Aubry oscillent de façon caricaturale entre l’ultra-sécuritaire de Brice Hortefeux et le protestataire primaire de Benoît Hamon. La France ne peut pas se résoudre à n’avoir d’autre choix que le ressentiment social et la frilosité identitaire. Notre malaise est très profond. Nous n’avons pas seulement besoin d’une démarche centriste mais nous devons plus essentiellement retrouver le chemin de notre histoire nationale. Hannah Arendt a vu dans le désarroi de l’Occident l’effet d’une rupture entre le passé et l’avenir. Elle a montré que l’ignorance du passé empêche la prise en compte de l’avenir. Nous en sommes là, face au grand paradoxe de notre vie publique : une gauche coupée de l’avenir et une droite coupée du passé. Nicolas Sarkozy est une force qui va et qui laisse le pays sans référence, ni boussole. Quant à la gauche, elle est crispée sur le modèle social et la défense de droits acquis plus ou moins légitimes. L’ambition du centre est de tenir les deux bouts de la chaîne, de rappeler aux Français que leur présent s’inscrit dans une longue histoire, que leur avenir suppose de vrais efforts et qu’ils ne retrouveront le chemin du succès que s’ils parviennent à se reconnaître, au-delà des différences politiques, sur une ambition commune, une ambition qui passe par la réinvention d’un vrai projet européen. Les Français doivent voir dans leur pays un lieu où ils ont leur place et où ils peuvent loger leurs appréhensions et leurs espérances. Dans l’état de délabrement haineux du débat public, ce n’est pas le cas aujourd’hui.
Les handicaps du centre
Un centriste souffre par définition d’un handicap de communication puisqu’il est condamné à tenir un discours complexe et nuancé face à des hommes de droite et de gauche qui tiennent le plus souvent un discours simplificateur et manichéen. Cette difficulté ne me paraît cependant pas rédhibitoire. Dans le passé, un homme comme Valéry Giscard d’Estaing a démontré qu’on pouvait avoir une communication claire sur la base d’un diagnostic nuancé. Les vrais handicaps du centre sont ailleurs. Ils tiennent d’abord à la balkanisation de la famille. Les centristes rêvent d’unifier leurs forces éparses, de constituer un ensemble partisan qui, mutatis mutandis, occupe la place et joue le rôle de l’ancienne UDF. Je crois, pour ma part, qu’il n’y aura pas de fédération sans fédérateur et que ce fédérateur viendra soit de l’appareil d’Etat, dans l’hypothèse où un centriste serait nommé Premier ministre, soit plus vraisemblablement d’une campagne réussie lors de la prochaine élection présidentielle. Sous la VeRépublique, c’est autour du Président ou du candidat que tout s’agrège et s’organise. Ce n’est pas un hasard si Valéry Giscard d’Estaing a été élu avant la constitution de l’UDF. Le second problème tient à la dureté des temps qui exigent un discours de l’effort et du sacrifice. Le candidat du centre ne peut pas se permettre d’être un père Noël qui tempèrerait la rigueur sarkozienne avec des promesses de cadeaux et des propos lénifiants. Nicolas Sarkozy avait promis “la rupture”mais il s’est gardé de relever les deux défis centraux qui se posent à nous: un Etat vivant sur des déficits structurels et une société qui oppose à sa jeunesse les rentes et les droits acquis des baby-boomers. Rompre avec ces habitudes sera douloureux. Il ne s’agit peut-être pas de promettre “du sang, de la sueur et les larmes”, mais à tout le moins d’engager de sérieuses remises en cause qui exigeront un effort tous azimuts de nos concitoyens. L’objectif du centre est de compenser cet effort par une réduction des inégalités. Cette alchimie politique est très délicate parce qu’en demandant des efforts, on se brouille avec ceux qui les font et en veillant à l’équité, on se brouille avec les titulaires de droits acquis. Les modérés et les centristes sont porteurs d’une exigence de redressement qui implique de la part de chacun une remise en cause personnelle, au coeur d’un pays qui ressent la nécessité de cet effort mais résiste à l’idée de s’y engager. Historiquement, certains hommes d’Etat ont réussi à combiner l’exigence de rigueur et la popularité personnelle : Raymond Poincaré, Charles de Gaulle, Raymond Barre ou Jacques Delors. Le problème que pose Nicolas Sarkozy, c’est qu’il a donné le sentiment de vouloir faire des réformes mais qu’il est demeuré très en deça du nécessaire. Nous sommes donc en face d’un pays qui est brouillé avec l’ambition réformatrice alors même que des changements considérables et douloureux l’attendent. Le souci de l’égalité et de l’équité, sottement malmené depuis trois ans par un pouvoir qui a sacralisé les riches, suffira-t-il à réconcilier les Français avec une thérapie de choc, qui ne peut plus être évitée ?
Une candidature centriste à la présidentielle
Concrètement il y a une première inconnue, celle du remaniement ministériel. Le président de la République va-t-il, comme on le dit, nommer Premier ministre un homme du centre, c’est-à-dire en l’occurrence Jean-Louis Borloo ? Si tel était le cas, assisterons-nous à un simple changement de titulaire ou à l’apparition d’une offre politique nouvelle ? Je suis incapable de répondre à cette question. Si le président de la République continue à privilégier un discours de droite dure, un discours de confrontation avec la gauche et une pratique qui combine un réformisme brouillon et des poussées de fièvre démagogique, les forces du centre devront relever le gant et proposer au pays une offre publique de redressement. Sous la VeRépublique, cette offre doit prendre la forme d’une candidature à l’élection présidentielle. Ce candidat devra avoir évité deux écueils : l’adhésion aux orientations gouvernementales des trois dernières années, cette fausse rupture de 2007 qui est passée à côté des vrais changements ; le refus de former une alliance majoritaire avec l’un des deux camps. Un centriste n’a pas vocation à se soumettre mais à négocier, avec la droite ou avec la gauche, et à sortir de cette négociation par un pacte majoritaire solide, fondé sur des orientations précises et valables pour la durée de la législature. Comment choisir le candidat ? L’idée de primaires au centre est séduisante mais elle est difficile à mettre en oeuvre car les boutiques centristes sont trop nombreuses et trop petites pour assurer l’organisation matérielle de la chose. Le plus probable, c’est que plusieurs candidats vont se déclarer et que l’opinion marquera sa préférence pour l’un d’entre eux, conduisant les autres à se retirer. On a vu paraître en 2002 la fusée Chevènement et la fusée Le Pen, et en 2007, la fusée Bayrou. Chez les chiraquiens et les socialistes, ce sont des outsiders qui se sont imposés, Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal. C’est le signe que, comme disait Jean Paulhan, “la démocratie appartient au premier venu”. Les candidatures Chevènement ou Bayrou n’ont débouché sur rien car elles ne s’appuyaient pas sur une stratégie majoritaire cohérente. Un candidat du centre peut espérer rencontrer l’adhésion d’une fraction significative du corps électoral français. Le scénario est simple : le candidat se déclare, il est accueilli avec intérêt par les médias, il suscite un mouvement d’opinion, obtient le soutien des forces politiques du centre et recueille au premier tour un nombre, à ce jour, indéterminé de suffrages. Sur la base de ce rapport de forces, il engage avec ses compétiteurs une négociation visant à nouer un pacte majoritaire dans la perspective du deuxième tour et des élections législatives. Ce scénario est à l’évident hasardeux. Il peut s’interrompre à tous les stades de son développement. On peut craindre en particulier qu’aucun des candidats du centre ne fasse la percée. Ce serait toutefois une erreur de sous-estimer la disponibilité de l’opinion publique à une offre politique nouvelle. Je serais tenté de détourner le célèbre slogan de la Française des Jeux en disant : “100% des présidents ont été candidats”.
Le drame de l’homme du centre, c’est qu’il lui est impossible d’échapper aux deux lois d’airain de la VeRépublique : la primauté de l’élection présidentielle et la nécessité du pacte majoritaire. La question fondamentale du candidat centriste, c’est celle du lundi qui suit le premier tour de la présidentielle. Il faut sortir de cette idée que les devancés du premier tour doivent s’incliner respectueusement devant le vainqueur et lui faire allégeance. La solidarité majoritaire et ses disciplines procèdent du contrat et de la soumission. La démarche des libéraux anglais qui ont engagé une vraie négociation avec les conservateurs et les travaillistes mérite, à cet égard, considération.
“Le centre est le parti de la société par opposition aux partis de l’Etat.”
“Les amis de la société occupent un large espace politique mais la bipolarisation les divise et soumet leur territoire aux jacobins des deux bords” “L’ambition du centre est de tenir les deux bouts de la chaîne”“Ils tiennent d’abord à la balkanisation de la famille”“La France ne peut pas se résoudre à n’avoir d’autre choix que le ressentiment social et la frilosité identitaire” “Cette radicalisation laisse en jachère le vaste espace de ceux qui ne voient de salut que dans la conciliation du libéralisme et de la régulation” “Ce serait une erreur de sous-estimer la disponibilité de l’opinion publique à une offre politique nouvelle”
“La démarche des libéraux anglais qui ont engagé une vraie négociation avec les conservateurs et les travaillistes mérite, à cet égard, considération” “En demandant des efforts, on se brouille avec ceux qui les font et en veillant à l’équité, on se brouille avec les titulaires de droits acquis” “L’Union européenne est à refonder. On ne voit pas qu’elle puisse l’être par des souverainistes et des anti-libéraux professionnels”
Conseiller maître à la Cour des comptes, Jean-Louis Bourlanges est aux antipodes de l’image du centriste fade, homme de tous les compromis faute de volonté. Il n’a de cesse de mettre son intelligence ciselée et sa vaste culture pour “élever le niveau”du débat public. Homme de “l’idéal européen”, cet énarque agrégé de lettres modernes a donné beaucoup de son énergie et de son temps au Parlement européen pendant une quinzaine d’années, au point de connaître une certaine lassitude. Soutien de François Bayrou au premier tour de la présidentielle de 2007, il appelle à voter Nicolas Sarkozy au second. Nommé président de l’Institut du Centre, Jean-Louis Bourlanges lance à ses amis cet appel :“Centristes de tous les partis, unissez-vous !”Autour de lui ?
Le nouvel Economiste - n°1538 - Du 14 au 20 octobre 2010 - Hebdomad
Jean-Louis Bourlanges, président de l’Institut du Centre, ex-député européen
“Un centriste est condamné à tenir un discours complexe et nuancé”
Une investigation en profondeur des difficultés du “centre” et des moyens de les surmonter
Et s’il y avait cette fois véritablement une place pour le centre face à la radicalisation de la droite et de la gauche, “entre l’ultra-sécuritaire de Brice Hortefeux et le protestataire primaire de Benoît Hamon” ? Telle est la perspective roborative que trace Jean-Louis Bourlanges pour sa famille politique actuellement si dispersée mais dont il perçoit une forte envie de “se retrouver”. A la tête du tout nouveau “Institut du Centre”, l’ex-député européen entend y contribuer en revisitant les fondamentaux “idéologiques”du centrisme, au nombre desquels figurent la liberté, la solidarité, l’Europe à l’aune du XXIesiècle et de la mondialisation. Le défi est immense : “Nous sommes en face d’un pays brouillé avec l’ambition réformatrice alors même que des changements considérables et douloureux l’attendent.”Un appel à l’effort qui sonne comme un discours de campagne d’un genre nouveau ? “La démocratie appartient au premier venu”, répond, sybillin, Jean-Louis Bourlanges en reprenant un bon mot de Jacques Paulhan. Et surtout une façon de conjurer la malédiction qui frappe le centre depuis le début de la Ve République.
SIPA
Par Philippe Plassart
“Nous sommes face au grand paradoxe de notre vie publique_: une gauche coupée de l’avenir et une droite coupée du passé. (…) L’ambition du centre est de tenir les deux bouts de la chaîne en appelant à l’effort et à la réinvention d’un vrai projet européen.”
“Nous sommes en face d’un pays brouillé avec l’ambition réformatrice alors même que des changements considérables et douloureux l’attendent”
“Le centrisme n’est pas simplement “entre la droite et la gauche” mais il est différent de la droite et de la gauche” “Entre la tradition démocrate chrétienne et la famille libérale, les centristes ont en commun une allergie au tout-jacobin ou au tout-Etat, mais ils ne la vivent pas de la même manière” “Tous ceux qui au centre ont voulu s’affranchir de la logique majoritaire ont été broyés par celle-ci, à l’exception de Giscard” “Les libéraux ont préconisé un reflux de l’Etat providence tandis que les sociaux-libéraux se sont arc-boutés sur la défense du modèle social français”
Le deuxième texte est tiré du blog Gaullisme et Démocratie du 28 avril 2007.
Etre au centre de l'échiquier politique, ce n'est pas forcément défendre un consensus mou, un juste milieu comme on l'explique par le terme 'centrisme'. Il est facile de ne pas chercher plus loin que le bout de son nez et ne pas faire l'analyse de tout cela à l'image des guignols de l'info qui font passer les personnes du centre comme des éternels indécis incapables de prendre des décisions et préférant toujours le consensus comme cette caricature qui fait boire de l'eau tiède aux partisans de François Bayrou pour ne pas avoir à choisir entre l'eau froide et l'eau chaude.
N'importe quelle personne qui se penche sur la question au lieu de rester sur les idées préconçues, lancées par des incultes de la politique, pourra donc différer de ce qu'est l'idéologie centriste et être central c'est à dire être au centre de l'échiquier politique.
Dire aujourd'hui que François Bayrou est un centriste est une erreur. A t-on vu François Bayrou vouloir faire un juste milieu entre les idées de Madame Royal et de Monsieur Sarkozy ? A t-on vu Monsieur Bayrou vouloir marchander à la suite avec la droite ou la gauche ? François Bayrou a d'ailleurs lui même renié ce mot de 'centrisme' lors de sa conférence de presse lui préférant celui de 'central' qui désigne une force de rassemblement.
En effet si François Bayrou est au centre de l'échiquier, il n'est pas pour autant un centriste mou comme il a su nous le démontrer lors de sa campagne où il a fini par assuré l'existance de ce centre, fort et indépendant qui n'a pas de camp si ce n'est celui de l'intérêt général. Etre capable de dire oui quand une décision est bonne et non quand elle est mauvaise !
"Aujourd'hui, l'intérêt vital du pays exige de dépasser, au moins pour un temps, le clivage entre la droite et la gauche, et de retrouver les principes de la République" François Bayrou
Etre central c'est refuser le diktat des clivages politiques, les querelles partisanes et vouloir rassembler les français par delà la droite et la gauche. Etre centriste ce n'est pas vouloir briser les clivages existants mais vouloir en former un nouveaux, fonder une 3ème force et non proposer une 3ème voie qui est celle du rassemblement au centre.
Une 3ème force qui est en réalité une force d'appoint comme en Allemagne avec le FDP capable d'être une composante d'un gouvernement de droite classé alors de centre-droit ou d'un gouvernement de gauche classé alors de centre-gauche (voir de passer de l'un à l'autre) comme ce fut le cas du Parti Radical (valoisiens et radicaux de gauche unis) sous la IIIème République.
Un parti central s'ouvre naturellement à des personnes venues de la droite et de la gauche, un parti centriste repose sur des personnes issues de la même famille politique.
En choisissant de défendre un clivage on n'est pas central, en choisissant systèmatiquement et sans réflexion toujours le même camp politique on s'éloigne du centrisme.
Robien, Santini et autres ne sont pas centristes idéologiquement parlant (juste milieu entre droite et gauche) et encore moins central car refusant de dépasser les clivages. Ce sont des personnes qui sur l'échiquier sont placées au centre-droit c'est à dire à mi-chemin entre le centrisme et la droite mais restant quoi qu'il arrive une composante d'une majorité ou d'une opposition de ce côté du clivage.
La gaullisme doit reprendre sa place d'origine
Roger Frey nous décrit parfaitement la position du gaullisme politique originel
"Des hommes et des femmes appartenant à des familles politiques différentes attendent que nous leur fassions signe. Ce signe ne tardera pas, et nous verrons alors où est le véritable parti du centre, d'un centre qui ne sera pas le marais où on prétend nous faire patauger"
L'excellent site de Laurent de Boissieu (http://gaullisme.free.fr/DroiteGauche.htm) nous explique également le positionnement du gaullisme sous Charles de Gaulle:
Sous Charles de Gaulle le gaullisme se positionnait au centre de l'échiquier politique, entre la gauche (PCF, SFIO) et la droite (CNIP)
Le premier parti central, d'après guerre, en France ne fut-il pas le Rassemblement du Peuple Français du général de Gaulle ? Puis ses successeurs jusqu'au départ de de Gaulle qui conduisit à la droitisation du mouvement gaulliste ?
De Gaulle lui même proche de la démocratie chrétienne avant guerre -comme on l'a si bien expliqué ( http://gaullisme.et.democratie.over-blog.com/article-6063960.html )- n'avait-il pas dit un jour "Etre Gaulliste c'est être de gauche et de droite à la fois", "Prétendre faire la France avec une fraction, c’est une erreur grave, et prétendre représenter la France au nom d’une fraction, cela c’est une erreur nationale impardonnable." ?
L'accession de Nicolas Sarkozy à la tête de l'UMP est finalement une chance, celle de voir le gaullisme de convictions reprendre enfin sa place d'origine au centre de la vie politique.
Giscard ni central, ni centriste
Contrairement à la légende, Valérie Giscard D'Estaing n'a jamais été ni au centre, ni un centriste, ni même un démocrate-chrétien. Il commence sa carrière au sein de Centre National des Indépendants et Paysans d'Antoine Pinay, le principal parti de droite de l'époque -un parti conservateur-libéral- puis fonda à la suite du départ de ce mouvement de la majorité gaulliste, les "Républicains Indépendants " 'RI' (qui deviendra plus tard Démocratie Libérale sous la présidence d'Alain Madelin).
L'UDF Giscardienne, centriste ? Pas du tout, fondée pour concurencer le RPR, l'UDF était composée à l'époque de partis centristes (Centre des Démocrates Sociaux, Parti Radical et Parti Social-Démocrate) et de la droite non gaulliste (Parti Républicain et Clubs Perspectives et Réalités) raison pour laquelle cette UDF ne pouvait pas s'ouvrir emprisonnant par cette union les partis centristes de l'époque dans une alliance obligatoire avec la droite afin de renforcer le bipartisme. Le courant centriste de l'échiquier politique disparaît alors.
La position de Valérie Giscard D'Estaing est d'ailleurs très bien expliquée par le gaulliste Jacques Chaban-Delmas lors de la présidentielle de 1974.
Jacques Chaban-Delmas: il se passe depuis une quinzaine de jours en France un phénomène très important et très grave Mr Giscard D'Estaing est entrain de ressusciter la droite. Alors elle est badigeonnée, elle est ripolinée elle a l'air d'avoir l'âge de son champion alors qu'en réalité elle a l'âge de son ministère. Et alors il se passe ceci, c'est qu'elle se dresse en forteresse d'un côté d'où un antagonisme et c'est la qu'est le danger.
Le général de Gaulle avec son génie avait absorbé cette droite enfin, disons qu'il l'avait neutralisé et voila que Mr Giscard D'Estaing la ramène en pull over.
J'ai vu hier l'affrontement entre Mr Giscard D'Estaing et Mr Mitterrand c'était vraiment l'opposition des classes l'une contre l'autre et c'est précisément ce que le gaullisme a su éviter et c'est ce qu'il faut coute que coute éviter et c'est pour cela que je suis candidat.
La famille naturelle de Giscard D'Estaing est la droite, aux côtés de Sarkozy il retrouve donc les racines qu'il avait essayé de dissimuler depuis son accession à l'Elysée. (Il faut rappeler qu'il était à la droite du général de Gaulle et non à sa gauche comme certains laissaient entendre)
L'UDF d'aujourd'hui est l'héritière du MRP, du centre et certainement pas de ce parti de droite qu'était celui des Républicains Indépendants. L'heure est venue au renouveau, celui ci s'engage avec la création de ce nouveau parti qui souhaite dépasser le centrisme pour devenir central.
Peut-on passer de centriste à central ?
Bien évidemment c'est même le chemin le plus facile car passant d'un centre mou, force d'appoint d'un gouvernement , à un centre fort qui serait l'acteur principal d'un rassemblement
François Bayrou nous en a donné la preuve. Espérons qu'il reste fidèle à cette ligne de rassemblement par delà les clivages et ne retombe pas dans les travers du centrisme.
"Etre centriste c'est accepter de s'adapter aux autres, être central c'est encourager les autres à s'adapter dans l'optique de transcender les clivages"
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Le troisième texte est tiré du blog "Réservoir d'idées" de Sébastien Dugauguez
écrit le 11 novembre 2007 sur http://reservoirdidees.hautetfort.com/archive/2007/11/11/de-la-difficulte-d-etre-centriste
De la difficulté d'être centriste
Je suis pour les OGM, le nucléaire ou la voiture !
Je suis aussi pour davantage de solidarité, pour une immigration massive et généreuse ou de vrais droits équivalents pour les homosexuels et les étrangers !
Voilà pour la vision simpliste de mes convictions. En vérité, elles sont beaucoup plus nuancées.
Mais même si je peux développer pour chacune de ces idées des arguments pertinents, serais-je entendu avant d’être catalogué ? Et si je le pouvais, pourrais-je développer un discours nuancé, sans paraitre fatigant, terne ou peu ambitieux ? Même si nous, centristes, n’avons pas tous les mêmes convictions, nous sommes tous confrontés à cette difficulté.
Car si c’est une chose (tellement facile) de se scandaliser, c’en est une autre d’essayer de comprendre la subtilité et la difficulté du monde, puis de proposer des voies réalistes, même si elles ne sont sûrement pas idéales. Il est a priori déroutant de comprendre que pour vouloir gouverner il faut proposer des idées tranchées, simplistes et miraculeuses, alors même que pour gouverner il faut confronter ces idées à la réalité et immédiatement les nuancer et les réduire.
Etre centriste, c’est donc poser directement, pour chaque idée, la question de ses nuances et de sa mise en œuvre. C’est se mettre honnêtement en position de gouverner et non de vouloir gouverner. C’est sortir de la dichotomie simpliste droite/gauche, solidarité/efficacité, nature/technologie…
Autre difficulté paradoxale : face aux ayatollahs de tous bords, de ceux de l’écologie à ceux de l’argent, considérer qu’il est vain de vouloir les combattre ! En effet, nous leur reconnaissons la pertinence de servir d’éclaireurs, de capacités d’indignation et de spécialistes des cas particuliers. Ce sont donc des partenaires, alors même que nous nous opposons à leurs idées.
Etre centriste c’est également prendre conscience que nous ne serons jamais d’accord entre nous. Car elle est immense la gamme des nuances et des projets. Il nous faut alors faire vivre le débat, sans vouloir le trancher définitivement. Mais au final retenir, à l’instar de la démocratie, le moins pire des systèmes. Car dans quasiment tous les domaines de la politique, face à la complexité et l’absence de certitude, il restera nos valeurs et surtout un engagement : celui de conduire honnêtement et en transparence, les affaires communes.
Ne pas vouloir faire le bonheur des hommes, voilà notre ambition et notre difficulté.
Le quatrième texte est tiré du site http://petite-voix.fr/alternative-centriste-centrisme.html
C'est quoi le centrisme ?
Ecrit le 27/02/2007
François Bayrou qui dépasse désormais les 17% dans les sondage, va devenir la cible principale des portes-flingues de l'UMP et du PS. Pour répondre par avances aux coups bas je me permets de rappeller en quoi consiste l'alternative au PS et à l'UMP.
Parce que je ne l'écrirais sans doute pas mieux, voici un "Pourquoi le centrisme?" écrit par page2007.com.
L’idée du centre n’est pas populaire.
Abordez une femme, un homme, et parlez-lui du centrisme. Vous aurez peu de chances de l’exciter. L’image mentale sera celle d’un ventre mou, d’un notaire de province, d’un notable gris.
Pourtant l’excitation était sûrement là, lorsque, enfant, elle, il, a lu le Voyage au Centre de la Terre de Jules Verne. Le centrisme, en politique, semble cantonné à une vision grise, que ne revêt pas l’idée de centre, dès lors qu’on sort cette idée du contexte politique.
Le centrisme, en politique, ce serait se tenir à égale distance de tout ce qui tourbillonne. Etre centriste en politique, paradoxalement, c’est être out, c’est être à l’écart, à l’écart du lieu où tout se passe, qui est, soit la droite, soit la gauche.
Le centriste serait l’homme, ou la femme, qui n’a pas d’idées, et qui n’agit pas.
A l’inverse, le centre, dans la nature, c’est le lieu où tout prend source, où tout se passe, où la concentration d’énergie est maximale, où toutes les forces se mêlent. Le lieu de l’inconnu, du mystère, de l’excitation, et de la création.
Pourquoi une telle différence d’image entre le centre naturel et le centre politique ?
Qu’il y ait des opportunistes sans idées au centre, oui. Comme il y en a à droite, et à gauche.
Que le centre soit fatalement le lieu de l’absence d’idées, non.
Le centriste se place au coeur des problèmes d’une société. Il met les mains dans le cambouis, c’est lui l’aventurier. Face à ces problèmes, au lieu de plaquer une solution de gauche ou une solution de droite, - ce qui n’est qu’une façon confortable de ne pas utiliser son imagination -, il cherche à appliquer une solution qui fonctionne le mieux possible, dans un contexte précis.
Comment appliquer, par exemple, au problème du dérèglement climatique, une solution qui entre dans le cadre d’idéologies, de gauche ou de droite, vieilles de plusieurs siècles ?
De plus en plus, face aux problèmes complexes d’un monde de six milliards d’habitants, en mutation permanente, les solutions idéologiques se révèlent inefficaces, contre-productives.
Le système de l’alternance droite / gauche ne consiste plus seulement à défaire ce que le prédécesseur a fait. Il consiste, dans les deux cas, à ne plus rien pouvoir faire. La Ve République, dont la concentration de pouvoir visait à l’efficacité, n’agit plus. Les réformes ne passent pas.
Les pouvoirs forts, concentrant tous les pouvoirs au sein d’un camp, ont perdu leur légitimité, et ne donnent plus les clefs pour agir. Le pouvoir qu’ils refusent à l’opposition au gouvernement, ils le retrouvent dans la rue, bloquant leurs réformes.
Paradoxalement, ce sont les pouvoirs faibles, moins homogènes, mais plus légitimes, parce que rassemblant une plus grande partie de la population, qui parviennent à agir, comme on le voit aujourd’hui en Allemagne.
En France, après des années au pouvoir, la droite n’a guère pu mettre en oeuvre ses “réformes de droite”. Elle a déçu ses partisans.
Certains croient que la solution, serait de donner encore plus de pouvoir à une droite encore plus dure. Après la désillusion Chirac, il faudrait se jeter dans les bras de Sarkozy. C’est courir à l’échec.
Si Nicolas Sarkozy rassemble 25 ou même 30% des Français au premier tour, il ne représentera qu’un quart ou un tiers des votants, il n’aura pas la légitimité pour gouverner la France, il n’échappera pas à un troisième tour dans la rue, et il ne pourra pas mettre en oeuvre ses réformes, faites contre le pays, avec pour seule arme une légalité qui n’est pas une légitimité.
Le système bi-partisan ne fonctionne plus.
Si les Français souhaitent que la France soit réformée pour affronter les défis du XXIe siècle, il ne faudra pas un pouvoir fort, qu’il soit de droite ou de gauche ; il faudra un pouvoir légitime aux yeux d’une majorité de Français, pas de 25% de Français.
Ce n’est pas la concentration de pouvoir qu’il faut viser, c’est la concentration de légitimité, de confiance. Et cela passe par une multiplicité des acteurs, et une plus grande ouverture aux diversités politiques.
La seule façon d’obtenir cette légitimité, c’est de proposer un gouvernement d’union nationale. Replacer la politique au centre des problèmes, pas à leur droite ou à leur gauche. Impliquer tous les acteurs.
L’exemple allemand montre que cette idée n’est plus une utopie, ni une construction d’intellectuel fantaisiste.
le cinquième texte est tiré du bog de Alexis Blanc: http://www.alexis-blanc.fr
Etre centriste humaniste
Cela veut dire quoi ? Quelle est notre différence ?
Très simplement :
La libre entreprise, une idée traditionnellement accolée à la droite.
La solidarité, une idée traditionnellement accolée à la gauche.
Nous pensons que la solidarité, au-delà d’être une nécessité humaine, est une nécessité de développement harmonieux et performant de l’économie.
Qui n’a pas constaté qu’une entreprise se porte mieux lorsque son personnel y vient motivé, avec sa tête, et non à reculons ?
Qui n’a pas constaté que lorsqu’un système est injuste, la valeur "travail" se perd et la solidarité se transforme en assistance ?
Nous croyons que le libéralisme sans régulation du système Sarkozy est créateur d’inégalités, générateur de politiques d’assistance, seule façon pour un libéral, de conserver un semblant de paix sociale.
Nous ne croyons pas qu’un système trop étatique puisse être créateur de richesse.
Notre rôle de responsable politique est de chercher cet équilibre difficile entre la liberté d’entreprendre et la solidarité "active" afin que la société y trouve son compte, comme doivent y trouver leur compte aussi bien les créateurs que les travailleurs.
- Concrètement, l’exemple du jour :
Vouloir repousser l’âge de la retraite sans vouloir regarder que les seniors sont poussés dehors avant l’âge officiel actuel,
C’est du libéralisme, c’est économiquement et humainement stupide et cela radicalise à juste titre les partenaires.
- Vouloir équilibrer le travail et la formation entre les générations, intégrer le savoir des anciens et le dynamisme des jeunes, et redonner au travail son sens et sa valeur :
C’est intelligent, c’est plus difficile, et cela nécessite de travailler avec la confiance de tous les partenaires.
Etre Centriste humaniste, ce n’est pas être au "milieu". C’est, au contraire, avoir une vision progressiste et équilibrée de la société à laisser à nos enfants. C’est travailler pour créer les conditions d’évolution de notre société grâce à la solidarité et à la confiance entre ses acteurs.
Etre Centriste humaniste, c’est travailler avec tous ceux qui ont les mêmes objectifs.
Francis Loze
Membre du Bureau du MoDem de Charente Maritime
Mis à jour (Samedi, 06 Mars 2010 04:06)
Copyright Alexis Blanc; 2010
Tous droits reservés.
Le dernier texte, tiré de Marianne du 18 juin 2011, est écrit par Philippe Bilger de "Blogueur associé"
"Le Centre peut-il exister sans Bayrou ?
Le rassemblement des forces centristes a été concrétisé par le lancement par Jean-Louis Borloo et Hervé Morin de l'Alliance républicaine, écologiste et sociale (Ares). Mais pour Philippe Bilger, François Bayrou - qui avait su donner de la force à cette mouvance en 2007 - pourrait revenir dans la compétition.
Puis François Bayrou a fait le score qu'on connaît à la dernière élection présidentielle. Il s'en est fallu de peu que sa voix ne convainque pas davantage. Les Français ont découvert à cette occasion ce que pouvait être un Centre moderne dégagé des vieilles lunes et de ses gloires anciennes saluées avec une révérence lassée. Qu'on l'apprécie ou non, François Bayrou ne semblait plus sorti de la naphtaline historique et il imposait une présence, son existence, précisément parce qu'en s'opposant à l'une comme à l'autre on risquait de se faire mal. Nous avions quitté le temps des ectoplasmes pour rejoindre celui de l'affirmation de soi, d'un patriotisme capable enfin de rêver d'Europe sans en faire un paradis artificiel mais un horizon souhaitable, celui surtout de la morale publique, sans laquelle toute pédagogie du haut vers le bas est ruinée d'emblée (Le Figaro, Le Monde, Marianne 2, nouvelobs.com, Journal du Dimanche).
En 2007, après une telle déconvenue succédant à un tel espoir, qui aurait parié le moindre enjeu sur le destin futur de François Bayrou ? Fourbu, attaqué, délaissé, trahi par certains de ses plus proches guère honteux de leurs reniements, campant avec fierté sur son pré carré, ses convictions, ses quelques certitudes fondamentales, libéré des conventions interdisant la vérité et parfois la brutalité médiatiques, persuadé qu'il faudra toujours compter avec lui, ce que les imbéciles nomment vanité et lui conscience et lucidité, il demeure aujourd'hui dans notre espace politique comme une étrangeté tenace, vigilante, remarquable. On peut moquer le rétrécissement du Modem, il n'en a cure puisqu'il porte en lui, grâce aux humanités et à l'Histoire, le culte des destinées construites non pas contre mais grâce à l'adversité. Et de la sienne, donc.
Il n'empêche que le Centre authentique suscite plus d'interrogations qu'il ne fournit de réponses. Je n'évoque même pas les difficultés qu'il y a toujours eu pour lui donner sa place méritée avec un scrutin majoritaire favorisant les affrontements et les clivages, tuant les nuances, les complexités et le pluralisme. A dire vrai, je me demande si certains n'ont pas induit de ces entraves électorales constantes qui facilitent le gouvernement mais préjudicient à la qualité parlementaire, une sorte d'infirmité congénitale du Centre qui serait ainsi nié tout simplement parce que politiquement il serait nécessairement de trop.
Au-delà de ces mécanismes qui sont de nature à intéresser les seuls constitutionnalistes, la pensée sur le Centre ne cesse de susciter débat et controverse. J'ai mesuré l'intensité de celui-là et de celle-ci quand il y a quelques semaines François Bayrou a été invité par Frédéric Taddéï et qu'il a disposé de temps, d'une écoute et d'une attention courtoises pour s'expliquer. Cela n'a pas été une mince affaire. Pourtant, on sentait François Bayrou acharné à sortir le centrisme de la fausse image qui le défigure. Mais des objections venaient qui n'étaient pas toutes dérisoires.
Pour ma part, ma gêne principale provenait du fait que le Centre, même structuré et vertébré selon la conception de François Bayrou, me semble relever plus d'un Discours de la méthode en politique que de ce qu'appelle la technique d'un projet, l'argumentaire d'un programme. Comme si le centrisme était davantage un état d'esprit, une invitation à être un bon démocrate, une incitation à une noble tolérance qu'un outil pour réformer, une machine pour le pouvoir et la victoire. A tort ou à raison, il m'est toujours apparu que la force du Centre était en même temps sa faiblesse : le dialogue, mais dans quel but ? L'éthique républicaine, mais à quelles fins ? La forme de la démocratie, dont le centrisme avec ses vertus est si soucieux, peut être à vie incompatible avec le fond d'une politique. Le Centre sait donner des leçons mais on doute - même s'il s'est incarné parfois brillamment en des temps anciens dans des pratiques de gouvernement - qu'il ait les mains capables de brasser un réel qui risquerait de les salir. C'est sans doute cette hésitation entre la beauté du concept et le réalisme de l'action, toujours au bénéfice de la première, qui a conduit François Mitterrand à vouer une détestation chronique à cette famille intellectuelle, à cette virtualité politique.
Le Centre est généralement perçu comme un point d'équilibre entre la gauche et la droite, comme le lieu évident, équidistant entre deux visions claires et nettes de la société, la synthèse, la passerelle bénie reliant d'un côté l'autorité avec la liberté et de l'autre l'égalité avec la fraternité. De sorte qu'on s'est accoutumé à célébrer, dans le juste milieu, non pas le « juste » mais le milieu. On a privilégié une notion topographique au détriment d'une valeur de vérité et d'équité.
Cet approfondissement aurait pour effet de ne plus placer le Centre seulement comme une vigie parasite susceptible d'aller picorer sa nourriture ici ou là, chez l'adversaire de droite ou de gauche, et faisant passer son inaptitude à élaborer d'initiative un programme pour un hommage démocratique à ceux qui ne pensent pas comme lui et qu'il accueille par fragments en son sein. Ce centrisme ne partagerait pas seulement la droite et la gauche mais la droite avec la droite et la gauche en face de la gauche. Dès lors que le « juste » l'emporte, il peut y avoir une manière passionnée et extrême d'être centriste au sein de n'importe quelle structure politique. Le centrisme deviendrait une manière pertinente de penser où que ce soit. Parce que naturellement, on a tendance à considérer que sur le plan intellectuel, contre le péremptoire des affichages extrêmes, le raisonnable et le plausible se situent dans cette zone qui prend le meilleur et délaisse le pire. A entendre beaucoup se revendiquer centristes, comme, par exemple, récemment le Premier Ministre pour battre en brèche la démarche de Jean-Louis Borloo, on perçoit que la généralité de l'esprit centriste, sa victoire en quelque sorte, est aussi sa défaite. Partout, il n'est plus nulle part.
A l'exception, depuis 2007, des discours forts et convaincants de François Bayrou sur la dénonciation des scandales et des abus ainsi que sur l'absolue nécessité de restaurer l'éthique publique, je n'ai pas eu l'impression que sa parole ait su encore emplir avec un vrai contenu, une réelle substance la structure républicaine dont il est un farouche et inlassable défenseur.
L'orgueil, en politique, ne fait pas forcément gagner. Mais au moins il fait tenir debout et ce n'est pas rien quand les courtisans pullulent.
Comme le dit Philippe Bilger, François Bayrou a fait de la morale une politique. Il lui reste à faire une politique qui n'oublie pas la morale. C'est un peu ce à quoi veut contribuer ce site. C'est aussi cela bâtir le projet politique de l'alternative crédible.
Conclusion, mon opinion synthétisée
Je pense qu'il y a 3 façons de vivre son engagement politique au centre.
1èrement: La façon traditionnelle du positionnement centriste à mi chemin entre la droite et la gauche. C'est la position du modérateur, du conciliateur. Il participe naturellement à une majorité (généralement de droite) dont il incarne l'aile modérée, sociale, humaniste, européenne, girondine, libérale sur le plan culturel et régulatrice sur le plan économique.
2èmement: La façon bayrouiste ou gaulliste d'un centre indépendant qui est plus un mouvement central que centriste. Elle se justifie comme la réponse à une situation de crise, en rassemblant des personnes venant de la droite et de la gauche autour des valeurs traditionnelles centristes pour construire une troisième voie qui va "sauver le pays". Pour illustrer ce propos, je vous livre ci-joint quelques déclarations de François Bayrou lors de sa campagne de 2007:
Le rôle du président de la République, c'est de penser à tous les français au lieu de penser à son camp" François Bayrou
"J'ai un rêve, le rassemblement du peuple français, comme l'avait fait le général à la libération et en 1958 !" François Bayrou
"Je suis persuadé qu'on peut faire travailler ensemble des socialistes ouverts, des gaullistes, autour d'une force du centre qui assumera elle aussi sa personnalité" François Bayrou
"Aujourd'hui, l'intérêt vital du pays exige de dépasser, au moins pour un temps, le clivage entre la droite et la gauche, et de retrouver les principes de la République" François Bayrou
"Je serai le président qui mobilisera les ressources de notre grand pays. Je serai le président qui réunira les français pour les faire vivre ensemble au lieu de les opposer.
Quand les choses vont mal, un peuple divisé est impuissant, un peuple réuni peut tout. C'est maintenant que cela va se décider" François Bayrou
3èmement: La façon "alternative crédible", dans la lignée de ce qu'était le mouvement radical socialiste durant la troisième république, qui consiste à incarner un véritable courant d'opinion partageant les valeurs traditionnelles du centre mais qui trouve sa légitimité dans les évolutions historiques contemporaines. C'est la voie la plus difficile mais aussi la plus solide et donc la plus pérenne. C'est une voie qui veut prendre les problèmes à bras le corps, avec réalisme et efficacité, mais qui refuse toutes les solutions brutales et injustes. La ligne conductrice est l'humanisme dans toutes les circonstances.
Quelque soit la façon de vivre son engagement, il y une communauté de valeurs partagée par tous les centristes. Tous les centristes sont avant tout des humanistes. Mais il y a des divergences profondes de stratégie. La première façon est mis à mal par la dérive droitière de l'UMP et la participation au pouvoir de centristes qui ont tout voté et tout accepté sans broncher pendant des années. Leur récente prise de distance apparaît alors comme opportuniste et peu crédible. Cette stratégie, si elle fonctionnait, reviendrai à recréer une nouvelle UDF à la fois alliée de l'UMP et à la fois concurrente. La deuxième façon est courageuse mais fragile. Elle dépend d'une victoire aux présidentielles et de la capacité ensuite à former une majorité présidentielle avec les ralliements venus de tous les horizons. Si elle fonctionnait, on pourrait avoir quelques doutes sur la sincérité de ces ralliements et la solidité de cette majorité dans la durée. La troisième façon demande d'accomplir au préalable un travail de réflexion considérable. Elle est est la plus difficile à mettre en place. Mais si elle fonctionnait, elle apporterait un véritable renouveau à notre démocratie, et elle serait la plus utile pour construire l'avenir de la France. De plus elle n'est pas incompatible avec les 2 autres mais au contraire complémentaire. Elle leur apporte à toutes les deux de la consistance idéologique, ainsi que de la sincérité qui manque cruellement à la première, et les conditions de la pérennité qui manquent cruellement à la seconde.
Enfin, ce qui légitime le plus la nécessité d'une victoire centriste aux présidentielles et aux législatives de 2012, c'est la situation réelle de l'endettement de la France. Il va falloir réduire le train de vie de l'Etat, faire "des sacrifices douloureux". Cela n'est possible qu'avec les centristes sur le fond comme dans la méthode. Droite et gauche sont dispendieux. Demander des efforts n'est acceptable qu'accompagné de fortes mesures de justice sociale, à l'inverse de ce qui s'est fait durant les 5 dernières années. Réduire les dépenses n'est possible qu'en s'affranchissant des intérêts catégoriels et des lobbys de toutes sortes, et la droite et la gauche sont beaucoup trop compromis. Beaucoup de citoyens sont dans une situation très fragile. Leur demander des efforts nécessite de mesurer dans le détail les conséquences pour chaque situation et de trouver des mesures de compensation négociées et expliquées. La France a besoin d'une direction générale simple de réduction des dépenses et de préparation de l'avenir, mis en place par une majorité centriste faisant sans précipitation et dans la concertation"un travail dans la dentelle" d'optimisation des dépenses, de création de nouvelles formes de social compensatrices, d'investissements intelligents, ..., pour que chaque citoyen comprenne clairement qu'elle voie est empruntée pour redresser la situation de la France, soit associé à cet effort, et soit écouté et respecté dans la défense de ses intérêts légitimes.
Philippe Dervaux