l'Alternative Crédible

Le think-tank du centrisme populaire, des  gilets jaunes  et du      mouvement 5 étoiles France.

Conscience politique

(texte écrit en 2010, non modifié et amélioré depuis car faisant parti des textes fondateurs de ce site)

 

Dans les discours qu'ils prononcent ou lorsqu’ils sont interviewés, François Bayrou et Marielle de Sarnez expliquent que le concept fondateur du MoDem est de "sortir de la logique de l’affrontement bloc contre bloc", de "faire travailler ensemble des gens de Droite et de Gauche" pour inventer une troisième voie et construire ainsi une alternative crédible à l’UMP et au PS, "car les anciens clivages sont désormais dépassés".

 

Ils ont tout à fait raison, mais pour donner corps à cette troisième voie, on doit aller encore plus loin dans le raisonnement.

 

 

1) Le centre, un tempérament et un positionnement politique

 

C’est biensûr le rôle naturel du centre d’être un pont entre la Droite et la Gauche, et le Modem est clairement positionné au Centre. Il existe bien un tempérament centriste fait de modération de réalisme et d’humanisme, qui recherche le compromis plutôt que l’affrontement, et le consensus quand c’est possible. D'ailleurs un grand nombre de dossiers importants nécessiteraient de trouver un consensus pour être traités sérieusement.

 

Mais si on fait travailler ensemble des gens de Droite et de Gauche, ce n’est pas pour effacer les clivages politiques entre la Droite et la Gauche. Comme le disent Alain Juppé et Michel Rocard dans leur livre La politique, telle qu'elle meurt de ne pas être « la confrontation de cultures politiques façonnées par l’histoire est indispensable à l’alternance, à la démocratie, à la vigueur du débat et à la représentation d’une nation ». Aussi, l'échelle politique Droite-Gauche, aussi discutable soit elle, est un repère indispensable pour savoir où se situe un mouvement politique et éviter de se retrouver avec des mouvements extrêmistes masqués.

 

 

2) Les anciens clivages sont usés

 

Si faire travailler ensemble des gens de Droite et de Gauche est devenue une nécessité, c’est parce que les anciens clivages sont devenus insuffisants pour appréhender le monde d'aujourd'hui, même s'ils restent partiellement justifiés. Et c'est qu'en utilisant la part de vérité qu'il reste dans la Droite et celle qui reste dans la Gauche, on veut fabriquer, en y ajoutant d’autres apports, une proposition politique nouvelle et structurée bien plus en adéquation avec les réalités d’aujourd’hui.

 

Car s’il reste une solidarité de classe assortie d’une propension à l’autorité pour la Droite, ou une sensibilité sociale assortie d’un rejet de l’autoritarisme pour la Gauche, si la Droite prétend défendre le dynamisme économique et l'ordre, et la Gauche prétend défendre les défavorisés et la liberté (ce qui est en soi légitime et plus que nécessaire à notre époque), les politiques qu’ils mènent lorsqu’ils sont au pouvoir se ressemblent de plus en plus et ne diffèrent qu’à la marge. La raison fondamentale est qu'économiquement ils en sont restés, dans l'idéologie comme dans le langage, aux anciens clivages entre "pour les entrepreneurs ou contre les patrons", "pour l'état protecteur ou contre l’état gaspilleur",  alors que tous les 2 ont fini par accepter dans les faits les principaux dictats du néo-libéralisme, l’idéologie dominante de la mondialisation et du capitalisme tels qu’ils sont aujourd’hui. La conséquence est que cela déphase de plus en plus leurs logiciels politiques du vécu des citoyens et des acteurs économiques, alors qu'ils mènent des politiques de plus en plus similaires et impuissantes. Rappelons qu'historiquement la Droite et la Gauche sont nées fin du 19ème siècle - début du 20ème, où les clivages étaient alors entre "pour le capitalisme naissant ou contre l'exploitation par les patrons", "pour le christianisme ou contre la puissance de l'Eglise". Si ces débats avaient beaucoup de légitimité à cette époque, ils en ont beaucoup moins aujourd'hui.

 

 

3) Les évolutions historiques génèrent des clivages nouveaux

 

Les nouveaux clivages sont le résultat des 4 évolutions majeures de notre époque: la financiarisation de l’économie, l'augmentation structurelle des dépenses publiques qui remet fondamentalement en cause le modèle de l'état providence, la prise de conscience de la finitude des ressources, et les conséquences de la démocratisation rapide des nouvelles technologies de l’information.

 

1ère évolution : La finance qui n’était à l’origine qu’un instrument au service de l’économie réelle, en a progressivement pris le contrôle pour en faire un instrument à son service pour générer des bénéfices. C’est vrai pour les entreprises. L’exigence de dividendes toujours plus importants a modifié leur mode de gestion, incitant à privilégier la rentabilité à cour terme sur l’investissement, le commercial sur le technique, les pressions salariales et managériales sur le bien-être du personnel. C’est vrai aussi pour l’état. Ses dettes, structurellement en augmentation continue,  sont saucissonnées et titrisées et les assurances contre son insolvabilité possible font l’objet de spéculation.

 

2ème évolution: L'évolution de la démographie qui entraîne l'augmentation structurelle des dépenses de retraite et de santé, les exigences de confort qui demandent toujours plus d'équipements publics ou para-publics (délégations de services publics, Partenariats Public Privé, ...), la montée de l'individualisme qui oblige de remplacer les bien-faits de la solidarité familiale par de la dépense publique, la sophistication croissante de notre société qui génère une coûteuse bureaucratisation rampante, la désindustrialisation qui assèche peu à peu nos ressources, ... contribuent à l'augmentation inexorable des dépenses publiques et à la baissent des recettes saines (dues à la production réelle de richesses). Sans une triple révolution du fonctionnement de l'état, du changement des mentalités, et de la simplification du droit, il est impossible de réduire les dépenses publiques. Sans une réindustrialisation, il est impossible d'augmenter durablement les recettes. Voilà pourquoi c'est notre modèle d'état providence qui est fondamentalement remis en cause, et même au-delà, notre modèle de société.

 

3ème évolution : La révolution industrielle et le système économique qui s’est mis en place se sont faits à partir de 2 concepts, la domestication de l’énergie (à vapeur puis électrique et fossile) et l’augmentation continue de la productivité (par l’organisation du travail et la mécanisation). Le postulat de base était le caractère illimité des ressources naturelles exploitables et des gains de productivité possibles. On sait désormais que cela est faux. Or on s’est habitué à vivre dans une société de consommation et tous les emplois et toutes les richesses produites le sont dans ce cadre.

 

4ème évolution: Les progrès rapides des technologies de l’information ont profondément transformé nos modes de vie. Le monde est devenu comme un grand village dans lequel l’information circule plus vite, les modes de vie et de pensée se standardisent et oû les systèmes de contrôle peuvent se perfectionner à l’infini. Si cela ouvre de grandes possibilités pour la vie de chacun et ouvre de nouvelles perspectives pour l’économie, cela pose de redoutables défis à la démocratie et aux libertés publiques.

 

Face à  ces 4 évolutions, le clivage droite gauche perd de sa pertinence. La Droite a favorisé la financiarisation de l’économie, la Gauche a été impuissante à l’éviter voir l’a favorisée aussi.  Gauche et Droite sont autant productivistes et consuméristes l’un que l’autre et laissent la démocratie s’affaiblir dans la communication instantanée, le développement continu des systèmes de fichage et de contrôle, …

 

La réponse du Modem est de prendre ce qu’il y a de bien à Droite, le libéralisme authentique, et ce qu’il y a de bien à Gauche, la conscience sociale, puis d'y ajouter la prise de conscience de l’urgence écologique ainsi que de la nécessaire défense des libertés individuelles et de l’authenticité de la démocratie (respect de la séparation des pouvoirs, …) et au final de faire de ces 3 fondamentaux une doctrine cohérente, qui inspire une politique réaliste.

 

L’origine principale du détachement progressif du centre droit de la Droite, ce qui est fondateur pour le Modem, est dans l’antagonisme qui s’est creusé entre les acteurs de l’économie financière et ceux de l’économie réelle. Le MoDem doit être le vrai défenseur de l’économie réelle par 3 actions fortes : la baisse des charges directes et indirectes (ce qui a toujours marché partout où cela a été appliqué, et qui, associé à la lutte contre ce qui fausse la concurrence, forme les 2 piliers du libéralisme authentique), la mise en place d'une vraie régulation capable de remettre la finance au service de l’économie, le soutient à l’investissement privé et public (des bonnes infrastructures, une éducation de qualité sont un atout essentiel pour l’économie). Le MoDem doit aussi être le parti de la vraie réforme de l’état. Elle consiste en 2 mots à passer d’un état providence dispendieux et peu efficace à un état protecteur fort et efficace. Le choix d’une protection sociale forte est un choix de société qui, contrairement à ce que pensent les néo-libéraux, est un investissement continu dans l’avenir. Le Modem doit également être le parti de la véritable écologie. Le temps de la prise de conscience est passé. L’écologie doit apprendre à être efficace, c'est-à-dire à être à la fois massive et compatible avec l’économie, et surtout socialement acceptable et non liberticide. Ce n’est pas de mesurettes symboliques (et souvent discriminantes socialement) dont on a besoin mais d’une grande politique de transformation de l’agriculture, de transformation de la production d’énergie et de transformation de la fiscalité.

 

A cela s’ajoute les rôles traditionnels du MoDem, la promotion de l’Europe et des valeurs républicaines. Les détracteurs de l’Europe rétorqueront qu’elle n’a cessé de promouvoir le néo-libéralisme, mais une page de ce site est consacrée ultérieurement aux propositions de réformes de l’Europe.

 

 

4) Le vrai enjeu

 

Car le vrai clivage dans l’avenir, le vrai enjeu, est entre une société douce et une société dure.

 

Une pente glissante nous entraîne inexorablement vers une société de plus en plus inégalitaire et autoritaire, et dans une démocratie de plus en plus faussée. Et la Droite et la Gauche sont impuissantes à nous en protéger, et même accélèrent cette descente aux enfers. Les accroissements simultanés de la concurrence mondiale et du déficit des finances publiques conduisent pas à pas au démantèlement du système social. L’augmentation continue, à la fois des inégalités, du chômage de masse, et de la précarité conduisent à une société de plus en plus violente et répressive, d’autant que certains progrès technologiques permettent de mettre en place des systèmes de contrôles sans communes mesures avec tout ce qui s’est fait dans le passé. Le non respect de la séparation des pouvoirs, la formation dans tous les domaines d’oligopoles de plus en plus puissants, et la superficialité du débat public faussent progressivement notre démocratie. L’ensemble de ces 3 évolutions négatives forme au final un système cohérent, qui est au fond celui dans lequel vit déjà une bonne partie de l’humanité malgré les différences apparentes.,

 

C’est la mission du MoDem de refuser ce type de société et de proposer une alternative crédible, un autre type de société douce et réaliste compte tenu du contexte actuel. C’est son rôle de nous sortir de la quadrature du cercle qui veut que si on maintient le système social actuel, la faillite des finances publiques nous obligera à le démanteler, et si on le réduit, la baisse du pouvoir d’achat et l’augmentation de la pauvreté cassera notre économie et augmentera les besoins de protections sociales auxquels on ne pourra faire face.

 

C’est son rôle aussi de mener la mutation écologique indispensable, de nous réconcilier avec la mondialisation et avec l’Europe, d’inventer un nouveau progressisme, …

 

Enfin, le MoDem doit être le parti de tous ceux que la Droite et la Gauche ont oubliés, de toutes les catégories silencieuses de citoyens sacrifiées sur l’autel de l’impuissance politique. Qui se soucie des agriculteurs, écrasés de dettes et désemparés face à l’incohérence du système actuel, des millions de travailleurs pauvres condamnés à une vie monotone, de la solitude de beaucoup de personnes âgées, des jeunes diplômés réduits à accepter les petits boulots, des victimes du management par le cynisme, des entrepreneurs écrasés de charges de toutes natures, … ?

 

Tout est question de justesse de l’analyse politique, de créativité et de volonté politique.

 

A ceux qui s’interrogent : mais où se situe le MoDem sur l’échiquier politique ? La réponse est évidente : au centre et au dépassement du centre.

 

Par son positionnement politique, son histoire et son tempérament le MoDem est un parti centriste. Par le coté révolutionnaire des missions qu’il a à remplir, par son côté transgression des anciens clivages, il est dans le dépassement du centre. Dans la situation d'endettement catastrophique que nous vivons en France et en Europe, je vous laisse méditer cette conclusion de Jacques Attali aux universités populaires du Modem du 17 juin: "L’Europe et le monde peuvent s’effondrer. La parole est maintenant à la politique."

 

 

5) L'urgence d'une réaction politique nouvelle

 

Université Populaire avec Jacques Attali : "On ne fait pas ce qu'on devrait faire parce qu'on n'a pas conscience de la menace" (17 juin 2011, tiré du site officiel du MoDem):

 

Jacques Attali était l'invité de François Bayrou et du Mouvement Démocrate, pour la 10e session de l'Université populaire. L'économiste et écrivain est revenu sur les conclusions de la Commission pour la libération de la croissance et ses préconisations pour redonner à la France une ambition pour dix ans.
 

"En matière de théorie économique, le seul point de départ possible, c'est la crise," a déclaré Jacques Attali. C’est donc sur la situation de la Grèce, question d’une actualité brûlante, que l'économiste a démarré son intervention. Il a d’abord souligné un paradoxe criant : le monde connaît une croissance et une perspective de croissance sans précédent, soutenues par une hausse continue de l’espérance de vie, de l’urbanisation, du progrès technique ; pourtant, les peuples ont l’impression que cela ne fonctionne pas.



La valeur qui l’a emporté ou qui est en train de l’emporter dans le monde est celle de la liberté individuelle, que symbolise en politique et en économie le triomphe de la démocratie et du marché, dans le cadre d’une dynamique qui s’auto-entretient, et qui se généralise, comme le montrent les évolutions récentes en Egypte, en Tunisie ou en Chine.



L’Occident souffre d’une fatigue par rapport au développement. La crise mondiale de 2008-2010, partie de la crise des subprimes, était à prévoir. Les mesures prises pour la contrer se sont soldées par un transfert des dettes privées vers la dette publique des Etats. L’Etat se retrouve dans une position de faiblesse extrême, ne pouvant, politiquement, ni augmenter les impôts, ni faire baisser les dépenses pour résorber cet endettement.



Face à la crise, l’attitude consiste le plus souvent à s’écrier "Pas ça, pas moi, pas maintenant", et ce faisant à retarder l’échéance, le moment de payer cette dette. A cet égard, les sommets du G20, que Jacques Attali surnomme le "G vain", lui apparaissent comme des réunions d’Alcooliques anonymes qui se promettent de ne plus boire et fêtent ça autour d’un dernier verre...



Jacques Attali a dressé un parallèle entre gouvernance européenne et gouvernance mondiale : la crise européenne est révélatrice de ce qu’on pourrait vivre à l’échelle planétaire. Aujourd’hui, la zone euro se trouve dans l’impasse : en prenant la décision de faire la monnaie unique, les dirigeants européens savaient que celui-ci ne durerait et ne serait viable que si on mettait en place un fédéralisme budgétaire, en raison des différences de compétitivité. L’élargissement à l’est a rendu les choses ingérables. "Sans un Ministre des Finances européen et sans fédéralisme budgétaire, l’euro est mort."



Pour mettre en place ce fédéralisme budgétaire, il faudrait mettre en commun à l’échelle européenne une partie des dettes publiques et établir les conditions de transferts de souveraineté. L’UE étant la seule puissance continentale à ne pas avoir de dette, elle a un grand potentiel d’emprunt.


La situation actuelle de la Grèce rappelle à Jacques Attali un autre "moment de vérité", survenu le 26 juin 1790, lorsque, les douze provinces des Etats-Unis étant au bord de la faillite, la décision fut prise par Jefferson, Hamilton et Madison, de mettre en place un budget fédéral. "Les colonies américaines étaient très endettées et se sont rassemblées avec une capitale et une banque fédérales."


Paradoxe là aussi, l’Europe a tous les moyens d’être la grande puissance de demain : son potentiel de développement est gigantesque.



Le modèle fondé sur le couple marché / démocratie n’est pas parfait, mais il n’y a pas mieux. "Un marché, pour être un marché pur et parfait, doit absolument faire respecter le droit de propriété." Mais il se heurte à une contradiction majeure : tandis que le marché par nature n’a pas de frontières, la démocratie a des frontières en termes de territoires et de compétences.



"Il y a un pays qui n'a pas d'Etat depuis 15 ans : la Somalie. C'est ici que règne l'absence totale de toutes règles." Et le monde est en fait dans un processus de "somalisation" : à l’exemple de ce pays, livré aux trafiquants de drogue, aux criminels et aux mafias en tous genres.


La situation actuelle possède d’étonnantes similarités avec celle de 1910 : l’Europe était alors en plein optimisme, portée par le progrès technique, l’intégration des nations, les débuts de démocratie ; le monde venait de connaître une crise financière, qui s’était soldée par un transfert de pouvoir entre Grande-Bretagne et Etats-Unis ; le monde connaissait aussi la haine raciale, le rejet de l’étranger, et le terrorisme. En choisissant le protectionnisme, les Etats européens allaient connaître la barbarie, pendant 35, voire 60 ans. A l’époque, personne ne connaissait les Staline, Hitler, et Mussolini ; mais aujourd’hui, il y a aussi des hommes qui viendront et s’empareront du pouvoir si la démocratie fait faillite.



"L’Europe et le monde peuvent s’effondrer. La parole est maintenant à la politique."

 

 

Philippe Dervaux

 

 

 

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